Le nouveau spectacle de Raouf Ben Yaghlane, qui aura lieu ce soir au Théâtre municipal, porte le titre de « Terroriste moins quart ». Alors que Raouf Ben Yaghlane mettait les dernières touches à son one man show nous lui avons posé ces questions. En deux mots, comment présentez-vous cette dernière création ? C'est une sorte de duel entre un auteur de spectacle et le personnage qu'il est en train de créer. Un personnage qui vire vers l'obscurantisme et qui est prêt à commettre un acte terroriste et un auteur qui tente de l'en dissuader. Il ne reste plus qu'un quart d'heure pour que le pire ait lieu et tout se joue dans ce quart d'heure. On ne vous attendait pas dans la peau d'un « presque » terroriste? Je fais ce spectacle parce que je crois au rôle prépondérant que peuvent jouer la création artistique et l'action culturelle dans la lutte contre le terrorisme. Cette lutte doit trouver sa forme d'expression dans un spectacle. Il ne s'agit pas seulement de choisir ce thème pour en parler. Pour moi, il a fallu travailler sur la structure du texte et sa dramaturgie pour que le tout s'imbrique et donne un spectacle émouvant une sorte de spectacle coup-de-poing. Dans ce spectacle, il y a le dialogue entre l'auteur et son personnage mais le vrai face-à-face se fait entre la culture et l'obscurantisme. Parce que je ne peux pas avoir un contact direct avec un vrai terroriste je l'ai inventé ! Je l'ai construit et j'ai tenté de dialoguer avec lui. C'est à la fois une démonstration de la naissance d'un terroriste et une déconstruction du discours obscurantiste.Tout le monde sait que ce discours peut facilement séduire les esprits creux et qu'un esprit éclairé par la culture ne peut jamais tomber dans ce piège .Mais comment toute cette « cuisine » a lieu ? C'est aussi l'un des objectifs de ce spectacle. C'est un spectacle différent de votre précédent one man show ? Je pense que les gens vont me trouver différent parce que le traitement du sujet sort du moule classique. Dans Terroriste moins quart c'est presque ma propre personne qui est une partie intégrée dans le jeu. C'est un spectacle que j'ai préparé pendant deux ans et demi parce que le sujet est complexe et j'ai trouvé qu'il nécessite un travail de fond, des enquêtes et des recherches. J'étais en contact avec les familles des victimes du terrorisme, j'ai parlé avec les experts de la lutte antiterrorisme, des imams, des sociologues et des psychologues .... Ce spectacle a été présenté dans les casernes et les académies militaires avant d'être donné au public. Pourquoi ? Même dans les cafés des régions éloignées de Tunis et dans les zones rurales ! L'objectif était de les faire participer à ce spectacle et de l'enrichir de leurs témoignages, eux qui sont exposés tous les jours à ce danger. Je ne voulais pas que ce spectacle émane d'un artiste demeuré dans sa tour d'ivoire, je voulais qu'il fût riche de toutes les voix de cette Tunisie qu'on oublie souvent. En réalité, c'est un spectacle polyphonique où chacun de nous peut se reconnaître et reconnaître peut-être un côté qu'il ignore jusque-là.