Le nouveau spectacle de Raouf Ben Yaghlane, Terroriste moins quart, est en cours de préparation. En voici un avant-goût. «Après cinquante ans d'enseignement en Tunisie, pourquoi y a-t-il des jeunes qui sortent des universités, qui ont eu leur diplôme et qui adhèrent au discours d'un obscurantiste qui n'a même pas fait des études primaires ? C'est l'une des questions qui m'ont conduit à la préparation de ce spectacle», précise Raouf Ben Yaghlane. Le nouveau spectacle de l'homme de théâtre tunisien, connu pour son humour cérébralement agitant et mentalement drainant, porte le nom de Terroriste moins quart. Dans ce one man show, un homme tente de sauver un autre qui est presque devenu terroriste. Il ne reste qu'un quart d'heure pour sauver ce qui reste d'humain en lui. Ce n'est que mercredi dernier dans le cadre des rencontres du Centre des études et des recherches économiques et sociale (Ceres) que Raouf Ben Yaghlane a parlé de son nouveau spectacle, encore en construction, pour la première fois en présence d'autres hommes et femmes de théâtre, tels que Jalila Baccar, Hichem Rostom , Raouf Ben Amor et Mohamed Kouka .Mais l'originalité de ce spectacle réside aussi dans sa construction car contrairement aux précédentes pièces de théâtre de l'artiste, celle–ci aura demandé une préparation différente. «Pour faire Terroriste moins quart, j'ai dû faire beaucoup d'investigations et de recherches car pour moi, le sujet est très délicat, dit Raouf Ben Yaghlane. Cette fois, je n'ai pas voulu d'un spectacle subjectif, comme on le fait toujours, c'est-à-dire un artiste qui s'enferme et qui écrit à partir de son propre vécu, j'ai voulu faire appel aux autres. Et les autres, c'est tout le monde à partir des spécialistes de la lutte contre le terrorisme, aux chercheurs du Ceres et leur unité spécialisée dans la question du terrorisme et de la contrebande. Mais j'ai dû aussi sillonner toute la Tunisie, en visitant des régions défavorisées pour écouter les jeunes et comprendre ce qui les pousse à se jeter dans les bras des nébuleuses terroristes». Un spectacle qui se veut polyphonique et basé sur la réalité, mais pas personnel pace que Raouf Ben Yaghlane ne veut pas «imposer son discours personnel aux esprits», il tient tout bonnement à apporter une suggestion, une remise en question aux autres par les autres. Bien entendu, au milieu, il y a le talent de l'artiste qui, cette fois, sera confronté à un nouveau défi car le sujet du terrorisme et d'une actualité brûlante. Raouf Ben Yaghlane est appelé à inscrire cette actualité dans un discours théâtral original qui nous détourne des news télévisés. Et l'artiste semble conscient de ce défi, car il nous a confié que le résultat de ses investigations auprès des spécialistes et de la population sera mis au service de l'art. Et Raouf Ben Yaghlane d'expliquer ses motivations et sa démarche au parterre par une nécessaire implication de l'homme de culture dans la construction des nouveaux référentiels qui prennent place en Tunisie. Des référentiels parfois troublants, «mais qu'est-ce qu'on a fait pour en arriver là ?», ajoute- t-il. Au cours de cette matinée, nous avons eu aussi droit à un avant-goût du nouveau spectacle où Raouf Ben Yaghlane, comme d'habitude, use de tout son métier et de son amour pour donner à son personnage attachant de haine et de rancœurs, mais qui va l'emporter au final? Un spectacle qui vaut le coup d'être attendu. Salem TRABELSI