Par Brahim OUESLATI Une grève de deux heures a été observée, hier, dans tous les établissements scolaires du pays, à l'appel de six syndicats du secteur de l'éducation, en signe de protestation contre la propagation du phénomène de la violence et les agressions contre l'ensemble de la famille éducative. La violence dans le milieu scolaire est devenue un phénomène récurrent. Il ne se passe pas un jour sans qu'une ou plusieurs agressions ne soient perpétrées contre le cadre éducatif ou sans qu'un ou plusieurs cas de violation de l'intégrité de l'établissement scolaire ne soient relevés. Selon les statistiques annoncées par le Syndicat général de l'enseignement primaire, 265 cas d'agressions contre des instituteurs, dont une centaine dans le seul gouvernorat de la Manouba, ont été recensés au cours du premier semestre de l'année scolaire en cours. Des chiffres ahurissants qui montrent que l'institution éducative s'enlise de plus en plus dans une spirale dangereuse. Que d'enquêtes ont été réalisées, que de rapports ont été élaborés et que de séminaires ont été organisés pour cerner ce phénomène et proposer des pistes pour la mise en place d'une stratégie globale, mais rien n'y fit. La violence gagne du terrain et l'insécurité tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'institution éducative qui s'enlise de plus en plus dans un bourbier d'où elle ne risque pas de s'extraire. Une violence ordinaire qui s'installe et qui inquiète Cette forme de violence qui n'est pas spécifique à l'école tunisienne, étant un phénomène mondial, impacte le milieu scolaire avec toutes ses composantes, enseignants, cadres éducatifs, élèves, parents et administrations de tutelle. Elle revêt plusieurs aspects : l'insulte, l'agression verbale, l'agression physique, sexuelle, le racket, les menaces de toutes sortes... Une parente qui s'introduit dans une salle de classe pour agresser violemment une institutrice, un enseignant qui se fait, sévèrement, corriger par son élève, une directrice d'école constamment harcelée par la propriétaire d'une garderie scolaire qui prétend être parente d'une personnalité haut placée, un établissement scolaire vandalisé de nuit ou qui est transformé en un lieu de beuverie pour délinquants...sont là quelques exemples d'agressions subies par l'institution éducative et ses membres. Des parents se font trop présents et pressants à l'école et n'hésitent pas à recourir à des moyens peu orthodoxes pour intimider le cadre éducatif. Et même si on n'est pas encore à une flambée du phénomène, on est en présence d'une violence ordinaire qui s'installe et qui inquiète. C'est « un mouvement de fond » qui pourrait balayer toute la société. Les conséquences sont d'autant plus préjudiciables que la violence crée un climat de psychose, de suspicion, de peur et de rejet dans une institution censée être le creuset du savoir et qui doit « enraciner chez les élèves l'ensemble des valeurs partagées par les Tunisiens ». Ces valeurs « sont fondées sur la primauté du savoir, du travail, de la solidarité, de la tolérance et de la modération ». Inutile de revenir sur les causes de ce phénomène ni sur les responsabilités de chacune des parties concernées dans sa propagation. Et il ne suffit pas de le dénoncer en l'absence d'une véritable coordination entre les composantes de la famille de l'éducation, ministère et syndicats en premier, ou encore appeler à la promulgation d'une loi criminalisant les agressions contre les enseignants, mais il faut plutôt penser à de nouveaux dispositifs partenariaux. La lutte contre ce phénomène nécessite une politique d'ensemble pour favoriser les meilleures conditions possibles à une communauté éducative solidaire et sereine, avec des programmes d'action ciblés et des activités personnalisées, notamment pour les établissements les plus exposés au phénomène de la violence.