Habib Essid assure que l'heure n'est pas au remaniement du gouvernement. Pourtant, tous les indicateurs montrent que son équipe ministérielle est en voie d'effritement, à moins que Béji Caïd Essebsi ne siffle la fin de la récréation Aujourd'hui, avec la démission de Lazhar Akremi de son poste de ministre chargé des relations avec l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), estimant qu'il ne peut travailler au sein d'un gouvernement qui ne peut pas et ne veut pas combattre la malversation et la corruption, la révocation de Mohamed Salah Ben Aissa, ministre de la Justice, pour absence de solidarité avec l'équipe gouvernementale à laquelle il appartient, et enfin l'ultimatum lancé par l'Union patriotique libre (UPL) à Habib Essid lui demandant de revoir la quote-part du parti dans les désignations des délégués (on parle de 80 nouvelles nominations dans les jours à venir outre celles déjà opérées) sous peu de voir les ministres upélistes quitter le gouvernement, la question que tout le monde se pose est la suivante : le remaniement ministériel tant attendu est-il devenu inévitable ? Les démentis répétés à souhait par le chef du gouvernement cachent-ils, en réalité, une certaine volonté de gagner du temps afin de choisir de nouveaux ministres qui se révéleront des rebelles ou trop attachés à leur indépendance et trop fidèles aux principes ? Enfin, les nidaistes récalcitrants qui ont tout chamboulé lors de leur fameuse conférence à Djerba allant jusqu'à exiger la démission du président de leur parti, Mohamed Ennaceur (pour incapacité à assurer deux fonctions conjointement), ont-ils scellé, sans le savoir, une certaine alliance avec leurs adversaires du camp nidaiste qui ont déjà annoncé, quand Lazhar Akremi a claqué la porte du gouvernement, que la validité de Habib Essid en tant que chef de gouvernement a vécu ? Autant de questionnements qui dominent la scène politique ces derniers jours et qui commandent certains éclaircissements. Des indicateurs inquiétants «Le moins qu'on puisse dire pour le moment, c'est que la situation du gouvernement n'est pas normale. Il existe des tiraillements sérieux et profonds au sein de l'équipe gouvernementale. Il n'est pas normal que celle-ci soit dépourvue d'un ministre de la Justice au moment où on discute au Parlement deux projets de loi déterminants dans la réussite de la jeune expérience démocratique tunisienne : la loi organique portant création du Conseil supérieur de la magistrature et la loi organique sur la Cour constitutionnelle. La démission de Lazhar Akremi, considéré comme l'un des hommes forts de Nida Tounès, n'a pas bénéficié de la part du chef du gouvernement de l'attention qu'elle mérite. Pour le moment, Habib Essid se contente de répéter que Lazhar Akremi est libre de partir sans nous dire si ses accusations sont justes ou s'il s'agit d'une opération de com personnelle. Nous risquons de voir d'autres ministres mécontents ou pas dans leur peau (comme les ministres de l'UPL révélant dans des cercles réduits qu'ils se sentent empêchés de gérer leurs ministères comme ils le désirent) suivre l'exemple de Lazhar Akremi et plier bagage dans les jours à venir», commente Abderrazak Hammami, secrétaire général du Parti du travail patriotique démocratique. «Quant aux partis constituant la coalition gouvernementale dirigée par Habib Essid, ils répètent à longueur de journée qu'ils n'ont nullement l'intention de faire tomber le gouvernement ou de réviser la forme de la coalition. Toutefois, ils reprochent quotidiennement au gouvernement le fait qu'il n'écoute pas leurs revendications», ajoute notre interlocuteur. En tout état de cause et bien que le chef du gouvernement continue à nier les évidences, «il existe des indicateurs sérieux sur une crise au sein du gouvernement. Et cette crise appelle à un remaniement ou même au changement de la présidence de ce gouvernement. Pour ce qui est des ministres indépendants qui ne bénéficient du soutien d'aucun parti représenté au sein de la coalition, ils se trouvent dans une situation très fragile, voire précaire, en voyant leur collègue Mohamed Salah Ben Aissa désavoué par Habib Essid et prié de quitter le navire. Cependant, la fragilité de leur situation peut devenir un facteur de force puisqu'ils se trouvent dans la même situation que leur chef, ne tirant profit d'aucun soutien partisan et voyant la continuité de son gouvernement suspendu à l'aval et à la satisfaction du locataire du palais de Carthage. D'ailleurs, les rencontres de consultation et d'écoute des critiques qu'il mène auprès des partis de la coalition et les promesses qu'il leur fait montrent, bien qu'on cherche à en minimiser la portée ou les significations, qu'il est en train de réviser ses méthodes de gestion. Reste à savoir s'il parviendra à répondre aux exigences de ces partis qui vont augmenter de jour en jour en prévision des élections municipales et régionales approchant à grands pas quoique le Code électoral et les lois gérant l'action municipale et la gouvernance régionale soient encore au stade de l'examen au niveau du gouvernement», relève encore notre source. Et si Afek Tounès, Nida Tounès et l'UPL font entendre leurs voix, le parti de Montplaisir garde encore un silence significatif et ses responsables se limitent à des déclarations qui appellent à l'apaisement. Il paraît, selon plusieurs observateurs, qu'Ennahdha a délibérément choisi de se positionner «dans une attente confortable qui lui permet d'observer et d'attendre le moment qu'il faut pour intervenir et récolter les fruits de la crise actuelle».