Habib Essid fait encore de la résistance face à ceux qui cherchent à l'obliger à remanier son gouvernement. Une frange parmi les nidaistes semble déterminée, à la suite de la défection de Lazhar Akremi, à ne plus assumer la responsabilité d'une politique à l'élaboration de laquelle ils n'ont pas participé Habib Essid, chef du gouvernement, résiste toujours aux pressions que l'on exerce sur lui, de part et d'autre, pour le pousser à opérer d'ici fin octobre ou novembre prochain le remaniement ministériel que tout le monde attend. Pas plus tard qu'hier, il a réaffirmé son intention de ne pas changer son équipe gouvernementale même si Lazhar Akremi, ministre chargé des Relations avec l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), a annoncé lundi 5 octobre sa décision de démissionner de son poste, estimant qu'il ne peut plus continuer à travailler au sein d'un gouvernement qui le tient à l'écart des décisions au point qu'il s'est trouvé obligé de puiser ses informations dans les journaux et les réseaux sociaux comme tout le monde. Et même si Lazhar Akremi a souhaité «au gouvernement Habib Essid de réussir dans son action» et a déclaré avoir consulté les responsables de son parti, Nida Tounès, avant de décider de quitter le gouvernement, il reste que le parti des Berges du Lac refuse encore de se prononcer publiquement sur la question et de s'exprimer ouvertement et officiellement sur la question du remaniement tant souhaité mais toujours retardé. En plus clair, au sein de Nida Tounès, on maintient le flou qui semble pour le moment servir les intérêts des deux courants qui se disputent le leadership en prévision du congrès prévu pour fin 2015 et les élections municipales qu'on cherche à organiser avant fin de 2016. «Un gouvernement de gestion des affaires courantes» Une source informée au sein de Nida Tounès confie à La Presse : «La guerre en vue du remaniement ministériel qui pourrait aboutir au départ de Habib Essid a déjà éclaté. La première étincelle a été lancée par la démission de Lazhar Akremi lundi 5 octobre. Hier, Mondher Belhaj Ali, député appartenant à l'aile de Mohsen Marzouk, secrétaire général du parti, a pris le relais en vue de lancer officiellement la campagne de dénigrement du gouvernement en soulignant que ce gouvernement ne peut pas être le gouvernement des grandes réformes que nous avons promises à nos électeurs qui nous ont accordé leur confiance. Ce gouvernement, précise Belhaj Ali, est en réalité un gouvernement de gestion des affaires courantes et le peuple a besoin d'un gouvernement qui gouverne. Quant à la deuxième aile dirigée par Ridha Belhaj, elle se contente pour le moment de garder le silence en attendant de voir comment Habib Essid va réagir face aux pressions dont il est l'objet quasi quotidiennement et face aux petites phrases qui ne le rassurent pas. Et même Béji Caïd Essebsi, président de la République, qui a jusqu'ici défendu le chef du gouvernement, semble avoir changé d'avis en se joignant à ceux qui critiquent l'inertie du gouvernement et son manque de détermination». La politique, c'est des résultats La démission de Lazhar Akremi, accompagnée d'une longue lettre explicitant l'incapacité du gouvernement de combattre la corruption ou même sa volonté de le faire ainsi que la critique exprimée par le chef de l'Etat, auraient-elles poussé les langues à se délier et les opposants à Habib Essid parmi les nidaistes à appeler à son départ même s'ils ne le disent pas carrément. C'est le cas du député nidaiste Mondher Belhaj Ali qui précise : «Il ne sert plus à rien de cacher la vérité. Au sein de Nida Tounès, il existe un sentiment de déception vis-à-vis de ce gouvernement. Nous avons promis aux Tunisiens un gouvernement qui va réaliser les grandes réformes. Nous avons droit à un gouvernement de gestion des affaires courantes ou presque. La politique, c'est des résultats. Nous avons besoin d'un chantier national de réformes. Le gouvernement Essid ne l'a pas fait jusqu'à présent. J'espère que la Tunisie le fera à l'avenir». Il ajoute : «Nous sommes obligés de faire redémarrer notre pays à tout prix. Il faut de la détermination et du courage et les résultats ne feront que suivre». Reste à savoir maintenant comment réagiront les partis formant la coalition gouvernementale, principalement Ennahdha, qui ne cache pas son ambition de voir Othmane Battikh, ministre des Affaires religieuses, prendre en exemple son collègue Lazhar Akremi et faire ses valises, surtout que la campagne de critique de la gestion par son département de la saison du pèlerinage enfle de jour en jour. «Pour le moment, les nahdhaouis gardent le silence et ils attendent la tournure des événements d'autant plus qu'on est convaincu parmi les sources se disant informées de ce qui se passe dans la sphère du gouvernement que d'autres démissions suivront ainsi que des révocations qu'on attend le moment propice pour les divulguer», indique une source proche de l'opposition et de la coalition. Nida Tounès ne veut pas assumer les erreurs d'Essid «Il est clair à mon avis que la démission de Lazhar Akremi constitue un message selon lequel Nida Tounès ou du moins l'aile que Akremi représente n'accepte pas la façon avec laquelle le chef du gouvernement traite le parti qui se considère comme le parti n°1 du pays. En d'autres termes, les nidaistes ne veulent plus assumer la responsabilité d'une politique qu'on exerce en leur nom sans qu'ils soient une partie active dans son élaboration, son exécution ou son suivi», fait remarquer Abderrazak Hammami, secrétaire général du Parti du travail patriotique démocratique (Ptpd).