Ce jour-là, la Tunisie mettait fin à plus de 82 ans de présence des forces françaises sur son sol et près de sept ans de cette présence depuis son indépendance Avec le départ, le 15 octobre 1963, du dernier soldat français, la Tunisie a mis fin à plus de 82 ans de présence des forces françaises sur son sol et près de sept ans de cette présence depuis son indépendance. Libération chèrement acquise, le 20 mars 1956, suite à une âpre lutte contre l'occupation française, au cours de laquelle le peuple tunisien avait consenti tous genres de sacrifices. Ces derniers durent se poursuivre après cette date-là pour que l'évacuation totale du sol national devienne une réalité. Les accords entre la Tunisie et la France, ayant permis à notre peuple de recouvrer sa souveraineté, prévoyaient, en effet, une présence réduite, ponctuelle et limitée dans le temps, de troupes françaises un peu partout dans le pays, surtout au Sud. Mais aussi à Bizerte, ville côtière située à l'extrême nord du pays et qui a été dotée par l'occupant d'une base navale et d'une autre aérienne, toutes les deux d'une haute valeur stratégique en Méditerranée. Une présence post-indépendance qui était mal tolérée, toujours contestée et souvent combattue et au cours de laquelle le peuple, civils, résistants et soldats, a dû offrir la vie de centaines de ses fils, dans une hécatombe du 19 au 21 juillet 1961 lors de la fameuse bataille dite «de Bizerte». Combats au cours desquels des centaines de Tunisiens tombèrent en martyrs, la plupart d'entre eux de simples civils. Ces jours-là, l'armée française s'illustra par les multiples atrocités qu'elle commit à l'encontre du peuple tunisien. Elle alla jusqu'à utiliser les bombes au napalm. Armes prohibées par le droit international, en raison de leurs horribles effets sur les personnes. Cela sans parler des crimes perpétrés par les parachutistes français qui allèrent jusqu'à investir des domiciles privés. Faits qui avaient poussé le Conseil de sécurité de l'ONU à adopter une résolution imposant le cessez-le-feu et le retour à la situation d'avant le 19 juillet. Décision mal accueillie par la Tunisie, car elle n'ouvrait pas le chemin à l'évacuation de Bizerte. Les grandes puissances ayant, toutes, encore des bases un peu partout dans le monde, implantées dans des territoires d'anciennes colonies et même dans certains pays indépendants depuis de longues dates. Mais la plupart des peuples du Sud, à leur tête tous les peuples arabes et musulmans, exprimèrent leur solidarité sans faille au peuple tunisien et à son gouvernement. Positions qui, conjuguées à la perspicacité de la diplomatie tunisienne, permirent, quelques jours après, de faire adopter par l'ONU une résolution qui renforça la position tunisienne face à la France. Une victoire diplomatique qui fit descendre les Tunisiens tout en liesse dans les rues. Festivités nationales grandioses Donc, le 15 octobre 1963 et à 15h15, le navire français, ayant à bord les derniers soldats français, quitta la base de Bizerte. Elle sera, quelques minutes après, reprise par les autorités tunisiennes au milieu de la liesse populaire. Le drapeau national fut alors hissé au sommet du mât qui soutenait il y a quelques minutes celui de la France. Informé sur-le-champ de l'instant historique par téléphone, par Béhi Ladgham, son secrétaire d'Etat, le président Bourguiba répondit à la fois fier et ému : «Fasse Dieu que la Tunisie ne connaisse plus jamais d'occupation...» Des festivités nationales grandioses furent alors organisées, le 13 décembre de la même année, à Bizerte, sous le haut patronage du président Bourguiba, en présence de plusieurs délégations étrangères et rehaussées par la présence du président algérien Ahmed Ben Bella, du président égyptien Jamel Abdennasser et du prince Mohamed Erridha Essenoussi, prince héritier du royaume de Libye. Depuis, la journée du 15 octobre a été décrétée fête nationale. Sous le régime du président déchu, ladite journée ne sera plus chômée et les festivités se limitaient à ses aspects les plus protocolaires, dans la seule ville de Bizerte. Après les événements de décembre 2010-janvier 2011 et le processus révolutionnaire qui s'ensuivit, le gouvernement rétablit cette fête dans sa dimension originelle. Rappelons que près de six mois après l'évacuation, le président Bourguiba signa une loi qui nationalisa les terres agricoles qui étaient encore aux mains des colons français, annonçant par là même l'évacuation agricole. C'était le 12 mai 1964, soit 83 ans jour pour jour après la signature du traité qui avait permis à la France d'asseoir sa domination sur la Tunisie.