Les privilèges fiscaux accordés aux Tunisiens résidents à l'étranger ont toujours suscité de grands débats. Au-delà de la complexité de leurs procédures d'application, se pose aussi, et surtout, le principe d'équité avec les citoyens vivant sur le sol tunisien mais aussi les dérives qu'il engendre. Après s'être fait attendre pendant des mois, le décret d'application de l'avantage FCR a enfin été rendu officiel. Une bonne nouvelle pour les Tunisiens résidant à l'étranger ! Le décret d'application de l'article 24 de la loi de finances 2024 relatif à l'avantage fiscal communément appelé FCR (Franchise pour changement de résidence) a été publié hier le 20 juin 2024, au Journal officiel de la République tunisienne. Qu'apporte-t-il de nouveau? Dans la loi de finances 2024, le privilège fiscal du FCR a été modifié pour être désormais appliqué tous les dix ans et non une seule et unique fois pour chaque citoyen résidant à l'étranger. Ainsi, il est désormais possible de bénéficier de l'avantage fiscal sur l'achat des véhicules chaque fix ans et non une seule fois comme c'était le cas auparavant. Autre nouveauté, le fait que "les individus effectuant un retour temporaire - c'est-à-dire un Tunisien résidant à l'étranger passant des vacances - auront la possibilité d'apporter avec eux, chaque année, des biens personnels d'un montant global égal à cinq mille dinars au lieu des deux milles habituels", comme l'a expliqué le porte-parole de la Direction générale de la douane, Chokri Jabri, ce matin sur Express Fm. Pour bénéficier de ces avantages, il faut être résident à l'étranger depuis au moins deux années et ne pas passer 183 jours par an en Tunisie. En cas de retour définitif, la somme totale des biens meubles, l'équipement ménager et les bagages pouvant faire l'objet de l'avantage fiscal a été ramenée à cinquante mille dinars au lieu des trente mille habituels. Ces avantages sont octroyés à chaque résident à l'étranger âgé de 18 ans ou plus et n'est pas appliqué par foyer.
Si ces avantages ont de quoi faire rêver les TRE, ils ne font pas que des heureux. Et pour cause, le sujet épineux du FCR est abordé depuis des années comme l'avantage inégalitaire par excellence, surtout avec un pouvoir d'achat qui s'érode de plus en plus. Ces avantages accordés aux TRE ont donné naissance à un marché noir parfaitement ddécomplexé. En effet, certains TRE n'hésitent pas à vendre au marché noir leur privilège FCR à plusieurs milliers de dinars, donnant naissance à un commerce très fructueux. Tellement fructuex qu'il a même évolué vers un commerce parallèle où les intermédiaires, ayant pignon sur rue, se permettent d'importer des voitures de luxe à des prix plus qu'alléchants, vu les prix des véhicules sur le marché local en Tunisie. Ces avantages font même l'objet d'un négoce sur les réseaux sociaux où ils s'achètent et se vendent au plus offrant. Mais, il n'y a pas que les citoyens locaux que cette mesure lèse, les consessionnaires automobiles ont, eux aussi, exprimé leurs craintes bien avant le vote de ladite loi. Craignant la prolifération du marché parallèle, des concessionnaires ont émis des réserves quant à cette nouvelle loi. Une loi qui serait, selon eux, susceptible de renforcer le marché parallèle des véhicules importés, notamment les voitures de luxe. Pour établir un certain équilibre, certains appellent à l'abaissement des charges fiscales à l'importation des véhicules, ainsi qu'à des exonérations en faveur de certaines catégories sociales. Des solutions qui pourraient, une fois appliquées, permettre de garantir une certaine équité entre les citoyens.
Instauré du temps de Habib Bourguiba dans le but d'encourager les émigrés à rentrer au pays et à y investir leurs devises, l'avantage FCR a été élargi par Zine El Abidine Ben Ali pour des raisons électorales et propagandistes. Depuis, ce privilège ne faut que creuser, encore plus, le fossé qui existe entre les citoyens. Cette discrimination se fait d'autant plus lourde avec la difficulté de la situation économique des Tunisiens et l'érosion de leur pouvoir d'achat. Elle souligne davantage l'énorme poids des droits de douane et de consommation dont les Tunisiens locaux doivent s'acquitter pour acheter leur véhicules. La constitution, dans son article 23, énonce pourtant que "les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans aucune discrimination". En parfaite contradiction avec la constitution tunisienne, cette loi accorde donc un privilège à certains Tunisiens et en exclut d'autres, rendant les Tunisiens inégaux devant la loi. Si le caractère inconstitutionnel de la loi FCR peut sembler évident, aucune cour constitutionnelle ne viendra le dire puisqu'elle n'existe tout simplement pas..