Aujourd'hui, la question mérite d'être posée. Le budget général de l'Etat a-t-il réellement un sens ? Une intelligibilité ? Une rigueur dans la gestion des deniers publics ? Le retard pris dans la publication des données mensuelles d'exécution du budget de l'Etat par le ministère des Finances tout comme le Rapport semestriel des finances publiques, dont on attend la parution, fournissent-ils déjà un éclairage ? En tout cas, à la lecture des récentes données, il est évident que l'Exécutif aura fort à faire, c'est le moins qu'on puisse dire, pour boucler le budget de l'actuel exercice. Quand bien même, aurait-il édulcoré quelques données et passé sous silence quelques autres. Le risque que, d'ici la fin de l'année, il se retrouve financièrement aux abois est de plus en plus réel. On aura beau afficher un solde budgétaire excédentaire au bout du 1er semestre 2023, le déficit budgétaire est acquis d'ici la fin de l'année. Il s'agit de savoir surtout si ce déficit s'alignera sur les prévisions établies initialement dans la loi de finances ou s'il s'en écartera dangereusement. Les données actuelles de finances publiques ne semblent pas indiquer que l'objectif d'un déficit budgétaire de 5,2% du PIB serait atteint à la fin de l'année. Les prévisions de recettes établies initialement apparaissent aujourd'hui bien ambitieuses. En matière de ressources non fiscales par exemple, l'Etat n'a récolté à ce titre qu'environ 1 650 MD au cours des six premiers de 2023 sur les 5 500 MD escomptés en année pleine. Autrement dit, il lui faudra mobiliser le double au cours du 2e semestre de l'année. En termes de mobilisation de ressources d'emprunts extérieurs, l'Etat est logé à la même enseigne. Sur les 8,2 milliards de dinars de besoins nets de financements extérieurs inscrits dans le budget de l'Etat pour l'année 2023, le gouvernement semble avoir peiné pour mobiliser un milliard de dinars en six mois. Certes, il convient d'intégrer dans le stock les 500 M$ d'appui budgétaire provenant de l'Arabie Saoudite. Cependant, une hirondelle ne fait pas le printemps. D'autant que les autorités n'ont pas bataillé âprement pour les obtenir. Cet argent dormait, sous forme de dépôt rémunéré, dans les coffres de la Banque centrale de Tunisie (BCT) qui en assurait la gestion à seule fin de consolider le stock de devises du pays. Cette enveloppe est passée sous l'escarcelle du Trésor public qui en assure désormais la gestion au profit du budget général de l'Etat. Les autorités saoudiennes n'ont déboursé aucun dollar supplémentaire à la Tunisie. Elles n'auraient pas pris un tel risque sachant qu'elles pouvaient essuyer les foudres du Fonds monétaire international (FMI) et surtout du Club de Paris qui regroupe les créanciers privés selon la consigne : l'accord de crédit avec le FMI est un préalable à tout soutien financier à la Tunisie. Jusqu'à présent, le recours au marché intérieur pour pallier l'absence de financements extérieurs constituait la seule alternative. De plus, une dette intérieure est plus « gérable » qu'une dette extérieure. Néanmoins, cette démarche a ses limites. En six mois, le gouvernement n'a mobilisé que 3 000 MD. Il lui reste encore à trouver 6 500 MD au 2e semestre 2023 pour être conforme aux prévisions budgétaires. Du coup, l'objectif d'un désendettement de l'Etat du marché intérieur à hauteur de 700 MD apparaît de plus en plus comme une douce utopie. La réussite de la 3e tranche de l'emprunt national 2023, à l'instar du prêt saoudien, ne peut constituer l'hirondelle qui annonce le printemps. Les deux aussi, d'ailleurs. Sur un total de 24,3 milliards de dinars de besoins d'emprunts, permettant de dégager un financement net de 7,5 milliards du budget, le gouvernement n'a réussi qu'à glaner quelques 5,8 milliards et rien en financement net durant les six premiers mois de 2023. Autrement dit, on a tout juste trouvé de quoi rembourser les échéances de dette. Est-il toujours possible de mobiliser 18,5 milliards de dinars au cours du 2e semestre 2023 ? Du coup, on comprend mieux le maintien des « perspectives négatives » octroyées par les agences internationales de rating. Fitch d'abord, R&I ensuite, en attendant Moody's. Là, ce serait réellement un miracle.