Pour les pouvoirs publics tunisiens, l'actuelle débâcle financière internationale ne devrait pas avoir de conséquence majeure pour la bonne marche de l'économie nationale, à l'abri, insiste-t-on, des délires d'une bulle spéculative, d'essence anglo-saxonne, fondée sur une ingénierie capitalistique où les banquiers des principaux centres marchands de la planète semblent y avoir perdu leur latin, viennent, paniqués, avouer leurs fautes, solliciter, toute honte bue, l'aide de l'Etat. Comme on pouvait s'y attendre, les dirigeants politiques et économiques du pays, depuis le déclenchement de la débâcle outre-Atlantique et ses ramifications potentielles à travers tous les continents, ont redoublé les déclarations rassurantes à l'adresse d'une opinion publique dubitative, attentiste et sceptique, abreuvée, chaque jour, d'une avalanche d'analyses, de prédictions et de scénarios contradictoires, étalées à longueur de journées sur les écrans des principales chaînes télévisuelles mondiales. «Tous les instituts de prévision conjoncturelle en Occident revoient leurs chiffres à la baisse et la Tunisie, à l'instar des économies émergentes de la région, doit prévoir, pour l'année à venir, une baisse de 1% de son taux de croissance par rapport à celui enregistré en 2007, en raison du ralentissement perceptible de la consommation chez les ménages de l'autre côté de la Méditerranée, de la vulnérabilité monétaire de l'Union européenne excédentaire à la fin de 2007 mais actuellement déficitaire, et de la montée des voix protectionnistes dans les négociations en cours entre les différents pôles marchands du monde», a affirmé M. Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international, lors de son passage à Tunis, à l'occasion de la célébration du 50ème anniversaire de la Banque centrale de Tunisie, pour qui, même si la finance boit la tasse dans les principales niches du libéralisme mondial, l'enjeu principal du patronat du tissu industriel local est de faire face, dans les prochains mois, à la dégradation des affaires dans la zone euro, de renforcer la résilience des acteurs économiques et de veiller à se positionner sur le long terme lorsque les échanges mondiaux repartiront de plus belle. Pour M. Hédi Djilani, le patron de l'UTICA, il n'y a pas de raison de sombrer soudainement dans le pessimisme le plus noir car la Tunisie, insiste-t-il, dans toutes ses apparitions publiques, sera moins touchée par le débordement des marchés financiers que d'autres pays car les banques locales ont toujours collé aux recommandations prudentielles Bâle I et II, évité la titrisation autant que faire se peut tout en demeurant fidèles, répète à l'envie le premier responsable de l'organisation patronale, aux fondamentaux de la puissance de l'épargne, ce qui a toujours assimilé l'activité bancaire nationale à un service public et non pas à une vache à traire pour des actionnaires voraces comme c'est le cas au cur du système libéral international où les bastions de la finance, obnubilées par la recherche du profit à très court terme, ont fait courir des risques énormes à toutes les branches de l'économie mondiale, malmenée à cause du miroir aux alouettes qu'était devenu Wall Street avant la chute du modèle du «toujours plus».