Mohamed Brahmi est tombé au champ d'honneur. La République peut-elle survire à ce troisième assassinat politique? La Troïka est dans l'impasse. Le pays est au pied du mur. L'opposition, subitement ressoudée, appelle à un gouvernement de salut public. La confrontation semble inévitable. Qui va arbitrer la partie? Une rafale de 14 coups, criblant de balles le corps de Mohamed Brahmi, ensanglantant la symbolique républicaine, ce 25 juillet, jour de son 56ème anniversaire, frappant la Tunisie à la tête, mettant le feu à la patience populaire sonnent le glas de la Troïka actuellement au pouvoir. Dans la foulée de cette rafale assassine, la colère populaire peut-elle être contenue par un gouvernement de salut public? Souiller les valeurs de la République La Tunisie vit un épisode éminemment tragique, avec le troisième assassinat politique, venu endeuiller la transition, après celui de Lotfi Nagdh et Chokri Belaid. Après la gauche prolétarienne, on abat aujourd'hui un symbole du nationalisme arabe. Donc, toute l'opposition démocratique, pêle-mêle se sent visée. Cet assassinat, dont on ignore encore les commanditaires, pousse la Troïka dans un confinement politique vers une rupture totale sur la scène nationale. Une icône du patriotisme, un symbole de la résistance estudiantine puis populaire, sous Ben Ali, «Haj» Mohamed Brahmi. En tombant sous des balles criminelles le jour où le peuple défiait les autorités en prenant l'initiative de hisser le fanion national, raisonne comme un châtiment national. Le peuple dit aussitôt son désaveu. La transition a, du coup, avorté. L'instabilité et le risque d'insécurité Ce 25 juillet, l'instabilité prend ses quartiers dans le pays. Le gouvernement ne retrouve plus son crédit politique et son audience est par terre. Les trois institutions provisoires sont prises à contrepied. La rue convulse et certains débordements sont constatés. La position officielle donne à l'opinion le sentiment que le gouvernement est préoccupé par son seul maintien au pouvoir. C'est-à-dire que la solution sécuritaire n'est pas à écarter. Quand l'instabilité et l'insécurité se conjuguent, le risque d'implosion nationale se profile. L'économie, déjà en panne, pourrait plonger dans le coma. L'objectif de salut public L'opposition, atomisée à l'extrême, semble pour une fois s'accorder sur un point précis, à savoir que le gouvernement doit rendre le tablier. Le gouvernement, rappelant sa légitimité électorale, s'y refuse. Il soutient de son côté que la transition en est à son dernier quart d'heure et que la feuille de route est en voie d'achèvement, il n'y a donc pas lieu de passer la main. Le switch de l'exécutif, pour plausible qu'il soit, peut-il se passer de manière civique? Rien n'est moins sûr. Mais cela ne représente qu'une partie de la solution. Il reste à savoir que sera le rôle de l'ANC? Les voix expertes recommandent de la déconnecter de la supervision de l'exécutif afin de terminer la rédaction de la Constitution. Il reste la pression populaire. Peut-elle faire entendre raison à tous? Alors, de quel côté pencheront les forces de l'ordre et les corps d'armée? Scénario égyptien ou algérien? Le génie national peut-il être à l'origine d'une exception tunisienne, c'est-à-dire par la concertation?