Un autre verdict est tombé aujourd'hui, dans l'affaire des blessés et martyrs de Menzel Bouzayene, il est venu s'ajouter à une longue liste de verdicts qui nous font oublier qu'il y a eu révolution en Tunisie et nous rappeler que l'impunité est toujours de rigueur. Nous avons interrogé Me Leila Haddad à propos du verdict d'aujourd'hui mais également à propos du procès du 11 avril prochain, où les accusés dans l'assassinat de 43 martyrs à travers Thala, Kasserine, Nabeul, Bizerte et le Grand Tunis seront jugés. Sa réponse était pleine d'amertume et elle n'était pas optimiste : « Durant tout le processus, il y a eu des tentatives de réduire le nombre de personnes impliquées dans les assassinats et d'utiliser le facteur temps contre les victimes et au profit des accusés » nous dit Me Haddad. Selon elle, le rendement de la justice a été très faible et c'est un rendement qui va vers une justice transitionnelle de compromis où seul un parti est impliqué, en l'occurrence les accusés, alors que l'autre parti représenté par les familles des victimes est écarté. Un premier bilan, permet aujourd'hui de constater que la procédure dans cette affaire n'a jamais été respectée, des preuves ont été détruites le lendemain du 14 janvier ainsi que tout au long de ces 3 années, des rapports balistiques manquent aux dossiers et parfois les confrontations n'ont même pas lieu. « Même les enquêtes arrivent en retard » nous confie Leila Haddad et d'ajouter que la plupart des dossiers ont été clos et les mertriers restés inconnus. Samia Mhimdi, sœur du martyr Hichem Mhimdi, nous avoue, pour sa part, n'avoir aucune confiance en la justice militaire, vus les verdicts déjà émis dans les procès précédents. "La majorité des assassinats ont été mis sur le compte d'homicides involontaires et les verdicts ont suivi (2 mois avec sursis pour certains avec 200 Dt d'amende)" affirme-t-elle. Samia Mhimdi accuse les syndicats des forces de sécurité de faire pression sur les juges afin de faire libérer les sécuritaires impliqués dans les meurtres des martyrs tunisiens. Les deux femmes s'accordent à dire que la justice tunisienne n'a pas été à la hauteur des attentes des familles des victimes et si l'on compare ces procès à ceux des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ou alors au verdict émis dans le procès de viol de Myriam Ben Mohamed, nous arrivons à un seul et unique constat : la justice n'est pas indépendante en Tunisie. « Nous n'avons pas rompu avec le système judiciaire de Ben Ali » soutient Me Haddad, ce système où priment l'impunité, la corruption et l'absence de toute volonté politique, chez les gouvernements qui se sont succédé, de rendre justice à qui de droit. Notez que les familles des blessés et martyrs organisent, demain 9 avril, une manifestation sous le signe de ‘Non à l'impunité' devant le gouvernorat de Tunis, elle sera suivie d'une marche vers l'avenue Bourguiba.