A la lecture du communiqué publié par le ministère de la fonction publique, de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, un arrière-goût de scepticisme reste en travers de la gorge. La première impression qui se dégage est que le ministère de la fonction publique comprend peu ou prou la fonction publique, notamment son environnement et son mal. En resserrant le contrôle de la présence des fonctionnaires et des agents publics sur leurs lieux de travail, on aurait dit que le ministère a identifié à la fois la faille et le remède. Réduire le malaise à une question de ponctualité suggère qu'aucun diagnostic n'ait été établi et que la solution adoptée cible un seul aspect, au mépris d'autres beaucoup plus importants, voire même beaucoup plus graves. En ciblant uniquement la ponctualité des fonctionnaires, le ministère suggère que ces derniers sont les premiers et uniques responsables de la triste situation de la fonction publique nationale, et par ricochet, de l'Etat dans son ensemble, l'Administration étant l'épine dorsale de l'Etat. On ne rationalise pas une telle institution, fondement de tout modèle de développement et principal pilier de la république, à coups de banderilles et à coups de pied dans le fonctionnariat. Rien que des mesures cosmétiques, toujours contre le personnel public et non contre le système administratif lui-même. L'Etat adore torturer ses enfants comme pour expier ses errements et ses revers. L'idée de revaloriser le travail dans le secteur public en surveillant le respect des horaires de travail ne fait qu'attaquer les symptômes et non le mal en soi. Le ministère s'est-il interrogé pourquoi les fonctionnaires, du moins une partie pour ne pas cultiver l'amalgame et mettre tout le monde sur le même pied de manquement, sont en rupture de ban avec leur milieu professionnel ? S'est-il demandé s'il y a ou non un problème de motivation ou un syndrome pathogène, infestant le corps de la fonction publique, de nature à expliquer le comportement irrespectueux de certains fonctionnaires ? Le débat devrait être au sein de la fonction publique et non sur la fonction publique. Au cœur de la machine. A supposer que les fonctionnaires en question soient remis sur le droit chemin et se conforment strictement aux horaires impartis, qui peut garantir qu'ils ne passent pas leur journée à roupiller et à tout faire sauf travailler ?! La ponctualité ne résout rien, hormis la présence. Et celle-ci n'est nullement un gage contre le désistement au travail et le manque sinon l'absence de conscience professionnelle. Le mal est ailleurs. Il faut savoir que, dans l'Administration tunisienne, les commis de l'Etat qui ont le cœur à l'ouvrage, qui bossent avec zèle, engagement et conviction.les vrais militants de la fonction publique, perçoivent, tous les trois mois, la même prime de rendement que les bras cassés et les nullards. Par cette mesure de contrôle, on ne valorise point le travail accompli mais juste la présence au bureau, quelle qu'en soit la valeur ajoutée. Quelle est l'utilité de respecter les horaires si le fonctionnaire ne fout rien ?! Qu'en gagne l'Administration en termes de productivité et de rendement ? Absolument rien ! Les cancres et autres corbeaux de la fonction publique ne vont pas devenir tout à coup, par baguette magique, accablés de besogne et professionnels jusqu'au bout des ongles. Le ministère, dans sa sagesse, a pris l'équation à l'envers et le bon sens à contre-pied. Les vrais problèmes sont occultés, éludés ou transvasés.