Il ne se passe guère un jour, sans qu'on lise dans les journaux ou qu'on entende dans les infos, que l'armée mène une opération de ratissage dans telle ou telle montagne de l'ouest du pays. Ou alors, qu'elle mène, carrément, une opération de pilonnage de ces hauteurs à l'artillerie lourde. Et les causes avancées sont invariablement, et désespérément, les mêmes, soit la détection de mouvements suspects ou la localisation d'un groupe de terroristes qui se baladent sur les sentiers de ces hauteurs. Soit, alors, qu'un groupe de terroriste ait fait, la veille, une razzia sur les maisons isolées des environs pour s'emparer de vivres et d'eau. A entendre, et encore, entendre cette même ritournelle qui se répète quasiment de façon quotidienne, on serait enclin de penser que la forêt amazonienne n'est qu'un vil bosquet comparé à nos montagnes. Or, il faut bien concéder qu'il ne s'agit, en fait, que de ridicules monticules à peine boisés par une forêt éparse de pins et de chétifs arbustes. Comment, diable, ces terroristes peuvent s'y cacher, apparemment, éternellement, sans que rien ni personne n'arrive à les en déloger ? L'armée ne cesse de ratisser et bombarder sans cesse. On a quasiment brûlé tout le maquis qui couvrait cette montagne, et on a miné et fait sauter toutes les cavernes qui s'y trouvent. Et on finit, chaque jour, par se rendre à l'évidence qu'il en reste encore, des terroristes dans les parages, et qui semblent narguer les forces tunisiennes en se baladant chaque matin comme s'ils étaient sur on ne sait quelle croisette. Pourtant, s'il y avait quelqu'un qui pouvait les en déloger, ou du moins, les localiser et leur boucher toutes les issues de sortie de même que tous les abris où ils pourraient se terrer, c'est forcément le bon vieux garde forestier d'antan. En effet, cas vaillants gardes forestiers étaient, à la longue, devenus la hantise de tous ceux qui entendaient s'adonner à quoi que ce soit de répréhensible dans les forêts tunisiennes, comme la chasse hors saison, ou toute autre activité interdite. Il faut concéder que ces gardes forestiers connaissaient les forêts et les montagnes comme leur poche. Ils en connaissaient le moindre sentier de chèvres, et le moindre à pic, comme la moindre faille. Ils étaient capables de répertorier la faune et la flore de ces contrées et de les énumérer par cœur. Ils étaient capables de détecter la moindre présence inhabituelle dans leur zone... Bref, nos bons vieux gardes forestiers d'antan, auraient, très certainement, été capables de débusquer et de traquer la moindre présence d'éléments armés dans ces hauteurs. Alors, où est passée leur perspicacité, et leur efficacité ? Ou, peut-être, devrions-nous poser la question autrement : Où sont-ils passés, eux-mêmes ? Car il parait que depuis le temps où ils avaient commencé à rapporter qu'il y avait du monde malintentionné qui rôdait dans nos montagnes, ces messieurs à l'uniforme vert ont disparu de la circulation. Il paraitrait même qu'ils aient été virés au profit d'autres gardiens, issus des grandes écoles des prisons tunisiennes, et ayant bénéficié de la sacro-sainte loi de l'amnistie générale. Cela se serait passé à la même période où certains responsables ne cessaient de nous tranquilliser en nous assurant que ceux qui hantaient les sentiers du Chaâmbi n'étaient, en réalité que d'inoffensifs jeunes sportifs épris de nature. Alors au lieu d'ouvrir on ne sait quels autre dossier comme le réclament quelques uns, et au lieu de se demander « où est notre pétrole », il serait, peut-être, plus judicieux d'ouvrir le dossier du responsable en charge de l'agriculture et des forêts, à l'époque, et qui aurait été derrière le départ forcé ou la réduction au silence de nos gardes forestiers, comme il serait aussi utile de se poser un autre question : « où sont passés nos gardes forestiers d'antan » ?