Après une baisse de 6,5% durant l'année scolaire 2014-2015, le fléau de l'abandon scolaire s'est aggravé durant l'année scolaire écoulée. Quelque 160.000 élèves ont en effet définitivement abandonné leur scolarité et entamé une vie d'adultes prématurée durant l'année scolaire 2015-2016 contre 100.000 seulement en 2014-2015 et 107.000 en 2013-2014, selon des données publiées par la Banque mondiale. Autant dire qu'on est bien loin de l'esprit de la loi d'orientation sur l'éducation qui stipule clairement que «l'éducation est une priorité nationale absolue et l'enseignement est obligatoire de 6 à 16 ans». La hausse considérable du phénomène durant l'année scolaire écoulée s'explique essentiellement, selon les experts, par l'aggravation de la crise économique ainsi que par certaines décisions arbitraires et irréfléchies prises par le ministère de l'Education. Durant l'année scolaire 2014-2015, le ministère avait en effet décidé unilatéralement d'octroyer le passage de classe automatique à tous les élèves du premier cycle de l'enseignement de base. Cette décision était motivée par la chaude empoignade qui a opposé le ministère au syndicat de l'enseignement de base, lequel avait alors de formulé des réformes extravagantes qui ont conduit à des grèves à répétition et à une suspension des cours. A celà s'ajoutent la suppression de deux examens nationaux naguère obligataires, en l'occurrence les concours de la 6ème année et de la 9ème année de base, et la prise en considération des moyennes annuelles au baccalauréat (à hauteur de 25% avant son abaissement à 20% en 2014). Ces mesures visaient à augmenter les taux de réussite. Ainsi, les objectifs quantitatifs qui visaient à produire de belles statistiques nécessaires à l'opération de marketing politique de tel ou tel gouvernement l'ont emporté sur les aspects qualitatifs. Mais la médaille avait un sacré revers: les rangs des diplômés ont gonflé et les universités sont devenues peu à peu des fabriques de diplômes, ce qui a grandement porté atteinte à l'image de l'Education en tant qu'ascenseur social. La pauvreté est mère de tous les vices D'autre part, la crise économique qui frappe de plein fouet la Tunisie depuis la révolution n'a fait que corser davantage la situation dans la mesure où l'abandon scolaire et la pauvreté sont intimement liés. Selon une récente étude réalisée par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), 80% des enfants touchés par le phénomène de l'abandon scolaire âgés de 13 à 17 ans sont issus de familles défavorisées, avec des parents qui ont arrêté leur étude au niveau primaire ou n'ont en pas fait du tout. Cette étude réalisée auprès d'un échantillon représentatif de 601 enfants dans trois régions (Monastir, Kasserine et Kairouan) durant l'année scolaire 2013-2014 a également révélé que 50% des enfants interrogés se sont déclarés obligés de travailler pour aider leurs parents et améliorer la situation financière de leurs familles alors que plus que la moitié est tenté par l'émigration, même clandestine, pour assurer leur avenir. Selon les données du ministère de l'Education, les plus importants taux d'abandon scolaire enregistrés depuis 2011 concernent d'ailleurs les gouvernorats où les taux de pauvreté sont les plus élevés, dont notamment Kairouan (8,8%) et Kasserine (environ 7%). L'étude du FTDES révèle, par ailleurs, que 66% des enfants qui quittent définitivement les bancs de l'école sont des garçons et que 90% d'entre eux ont connu un échec scolaire au moins une fois, avant de mettre fin à leur scolarité. Parmi les enfants touchés par l'abandon scolaire, 43% suivent une formation professionnelle, 31, 9% sont au chômage, 22,8% travaillent et 1,43% suivent un enseignement religieux, selon la même étude.