Les responsables des villages d'enfants s'inquiètent de la baisse du taux de réussite et de la démotivation des enfants SOS dans les établissements scolaires. La réussite scolaire a toujours été un enjeu majeur au sein des villages d'enfants SOS Tunisie.De cette réussite dépendent la stabilité professionnelle et un avenir clair. Mais quand les pourcentages de réussite accusent une baisse, c'est qu'il faut se pencher sérieusement sur la question, analyser les retombées et prévoir les issues de sortie. A cet effet, l'Association SOS villages d'enfants Tunisie a organisé le Forum national de l'éducation scolaire sur le thème «Scolarité et accompagnement», les 3 et 4 octobre à Gammarth, avec la participation de représentants du ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi, du ministère de l'Education et de la société civile. Scolarité aux villages d'enfants SOS : état des lieux Les statistiques relatives aux pourcentages de réussite des enfants SOS villages en milieu scolaire présentées par Olfa Rakrouki, responsable pédagogique Sosve Tunisie, donnent matière à réflexion. Il y a des signes alarmants qui ne trompent pas, à l'instar de la décroissance du taux de réussite et la démotivation des élèves vis-à-vis de l'importance de la réussite scolaire. C'est, d'ailleurs, ce constat qui a déclenché la sonnette d'alarme pour les responsables de Sosve, avec un taux de réussite revu à la baisse pour les bacheliers. Le taux général de réussite étant de 58,3%. Pour l'école primaire, le nombre d'élèves est de 164 répartis sur 10 écoles. Leur taux de réussite a atteint 88,3% en 2016, alors qu'il était de 75,5% en 2015 et de 100% en 2014. Pour le second cycle de l'école de base, ils sont 64 collégiens répartis sur 5 collèges. Le taux de réussite a baissé de 55% en 2015 à 41,5% en 2017. La baisse au niveau du taux de réussite n'a pas non plus épargné l'enseignement secondaire. Ils sont 38 lycéens répartis sur 4 lycées. Le taux de réussite qui était de 66,5% en 2015 a chuté à 46% en 2016. Pour les bacheliers, la situation a empiré : en 2016, sur 8 candidats aucun n'a eu son bac, alors qu'en 2015, un seul candidat a pu décrocher son bac sur 3 candidats. Le nombre de ceux qui se sont inscrits en formation professionnelle est en train de suivre une courbe ascendante. Pour l'année 2016, ce nombre est de 33, alors qu'il était de 23 en 2015 et de 9 en 2014. Plusieurs intervenants, dont Emna Arifa, responsable au ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi, ont mis en exergue la grande importance de ce secteur qui est à même d'ouvrir les portes de la réussite. «Il faut suivre l'exemple de l'Allemagne où la formation professionnelle contribue à conforter la compétitivité de l'économie de ce pays», a-t-elle souligné. «On est aujourd‘hui face à une situation délicate concernant la scolarité de nos enfants, explique Mme Yosra Chaibi, présidente de l'Association Sosve Tunisie, ce qui nous accule à nous pencher sérieusement sur cette situation et faire appel à une auto-évaluation. Il est impératif d'analyser la situation et de voir ce qui a été bien fait et ce qui ne l'a pas été. On a aujourd'hui voulu faire participer toutes les parties prenantes, à savoir notre équipe pédagogique qui est directement concernée, ainsi que des intervenants externes représentant les ministères de l'Education, de la Formation professionnelle et de l'Emploi et la société civile, et réfléchir sur les outils d'accompagnement. Pour cela, l'association a besoin de soutien. Un soutien qui ne provient actuellement que du ministère des Affaires sociales dont l'aide est évaluée à 0,5% du budget de Sosve Tunisie, ce qui est minime. Aujourd'hui, on demande plus d'appui de la part de l'Etat, fait remarquer Mme Chaïbi. Success stories Certains jeunes des villages d'enfants SOS en Tunisie ont réussi à devenir des architectes, dentistes, ingénieurs, cadres dans une multinationale. Aujourd'hui, l'association est fière de ses jeunes qui ont réussi et poursuivent leurs études à l'étranger. Les success stories de l'association, c'est cette femme divorcée, mère de 7 enfants, âgés de 12 à 30 ans qui, grâce au programme de renforcement de la famille a vu ses enfants réussir leurs études, et qui sont actuellement diplômés en génie civil, en génie mécanique et en informatique. C'est aussi cette mère célibataire qui a bénéficié du même programme, avec à sa charge cinq enfants âgés de 6 à 20 ans. Sa fille a eu son bac, elle est actuellement en deuxième année universitaire. «Après 40 ans d'activité, nous somme fiers des acquis et sommes prêts à relever les défis. On est fier des réussites de nos enfants, celle de Mohamed, devenu ingénieur et qui est actuellement aux USA où il poursuit ses études. On est fier de Fatma, spécialiste en psychologie», souligne Mme Chaïbi. Pour conclure, elle reprend la citation de Nelson Mandela, «L'éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde». Mme Malika Hezzi, coordinatrice nationale des programmes de renforcement de la famille, souligne que la famille demeure le meilleur emplacement où un enfant doit se développer et grandir. Le village d'enfants reste toujours une institution, cela suppose qu'il y a un directeur, une mère de substitution dans le village et une porte qui se referme le soir, ce qui est pesant sur le plan psychologique, explique-t-elle. Et d'ajouter que les enfants peuvent développer des retards tant au niveau cognitif qu'au niveau de leur scolarité et de leur insertion. Ils ont toujours cette carence affective. Tout cela ne peut être pallié qu'avec l'insertion de l'enfant dans sa famille biologique. C'est le meilleur endroit où il peut se développer d'une façon harmonieuse et se ressourcer grâce à des relations affectives avec ses parents et sa fratrie biologique. «On vient aider en amont, avant que l'enfant ne soit séparé de sa famille. On fournit aussi bien à l'enfant qu'à la famille l'accès aux différents services de base, la santé, la nourriture, l'hygiène, l'éducation, la scolarité, puis on passe aux activités de sensibilisation qui peuvent assurer les bonnes conditions d'accompagnement. L'enfant apprendra en fin de compte à se protéger et à protéger ses droits. Il est ainsi immunisé contre les abus», selon Mme Hezzi. Le renforcement familial permet aux enfants risquant de perdre la prise en charge ou le soutien de la famille, d'avoir accès aux services essentiels pour un développement sain, et donne aux familles les moyens de construire, renforcer leur capacité à protéger et à prendre soin de leurs enfants. Ce programme d'appui aux familles ne s'arrête pas à ce niveau, il inclut aussi la possibilité d'offrir du travail et de faciliter le montage de microprojets, des activités génératrices de revenus pour les aider à octroyer leur autonomie et leur indépendance. Une approche préventive Mme Insaf Zitoun, de l'Institut national de protection de l'enfance, a mis en relief la réflexion autour de la problématique des répercussions de l'abandon sur le développement de l'enfant d'une manière générale. L'abandon influe sur son évolution, y compris dans le domaine de l'éducation. Les solutions à proposer ne résident pas dans le renforcement de l'enseignement scolaire pour ces enfants. Il faut essayer de remédier aux dégâts, aux séquelles de l'abandon, et s'attaquer au côté psychologique pour travailler avec l'enfant dans sa totalité et avoir de meilleurs résultats. Cela suppose qu'il faut travailler sur le côté préventif avant que les problèmes ne commencent à se manifester durant l'entrée à l'école. Se positionner par rapport au contexte scolaire national, établir un diagnostic de l'état actuel, analyser les retombées et développer un plan d'action adapté aux exigences Sosve pour améliorer la qualité de la scolarisation, ainsi que la mise en œuvre d'un guide d'orientation scolaire en vue d'aider le cadre enseignant. L'association passe aujourd'hui des acquis aux défis dans un contexte national relativement difficile pour tout le monde.