Les festivals d'été ont, l'un après l'autre, baissé le rideau. Organisés dans un contexte de crise, ils auront eu le mérite de se tenir tout en parvenant à réunir des publics appréciables. Toutefois, le cru 2015 ne restera pas dans les annales et, au fond, n'aura pas marqué les esprits. De fait, la formule actuelle des festivals d'été semble être au bout du rouleau, avec certaines manifestations qui semblent déjà avoir rendu l'âme et qui ne tiennent que grâce aux fonds perdus du ministère de la Culture qui les soutiennent. Un pseudo-festival qui oublie ses racines Le gigantisme factice du festival de Carthage ne trompe plus personne. Les choix erronés de sa direction ne font plus illusion. L'agressivité narcissique dont certains responsables ont pu faire preuve est un autre aspect de la débandade générale qui prevaut actuellement. Le comble d'ailleurs en cette fin de saison estivale, c'est de voir une manifestation intitulée "Layali Carthage" venir damer le pion au festival historique sur son propre terrain! Antithèse des prétentions culturelles du festival, ""Layali Carthage" investit dans les soirées grand public, le show sous toutes ses formes et la variété musicale. Avec la prétention culturelle en moins... Car que penser d'un festival de Carthage qui ne parvient à faire le plein que lorsque ce sont justement des spectacles de variété qui sont au programme? De fait, la seule différence entre le pseudo-grand festival et la néo-manifestation ne réside que dans la présence de vedettes internationales, en général sur le retour quand il ne s'agit pas de has been purs et simples. C'est tout... Le festival international de Carthage, organisé aux frais du contribuable, n'a rien d'autre à proposer. A bout de souffle, cette manifestation qui a eu son heure de gloire s'est effilochée au fil des ans et a commencé à décliner sans que nul ne s'en soucie et sans que ses promoteurs n'esquissent une véritable volonté d'auto-critique. Une "chakchouka" indigeste et prétentieuse De plus en plus, le festival de Carthage ressemble à ces "Layali Carthage" et autres "Farhat chabab Tounes" qui tentent depuis des années d'investir le théâtre romain. De plus en plus, le festival ressemble à une âme en peine sans autre projet que les lubies de ses directeurs successifs. Une tragique attitude qui finira par emporter une manifestation cinquantenaire qui répond à des schémas culturels d'un passé mal compris par les actuels animateurs. Depuis ses origines, le festival de Carthage a été défini autour du grand théâtre, du jazz et du développement culturel. Ces trois composantes de l'identité du festival ont peu à peu été délaissées pour une "chakchouka" aussi indigeste que prétentieuse. Plusieurs handicaps menacent le festival, à commencer par sa durée qui a peu à voir avec le réalisme et la logique. Un mois, c'est trop pour pouvoir investir dans la qualité comme fil conducteur. Un mois de soirées estivales ou bien un festival culturel? Il faudrait savoir! D'ailleurs, "Layali Carthage" avec sa succession de soirées va apporter la démonstration que le festival international a presque tout faux et que la culture n'est qu'un prétexte qui finit par se dissoudre dans la durée et le fébrile galimatias qui est servi au public. Les priorités culturelles sont ailleurs! Il est temps pour le ministère de tutelle de tout remettre en question, quitte à se désengager de toutes ces pantalonnades si budgétivores pour les fonds de la culture. Cette dérive d'un ministère qui a fini par troquer la culture pour l'organisation de fêtes et réjouissances est devenue franchement risible et, répétons-le, budgétivore dans un contexte où les priorités culturelles sont clairement ailleurs. Qu'on revienne aux fondamentaux de la culture qui ont permis le maillage du territoire par des bibliothèques et des centres culturels. Qu'on investisse davantage sur les petits festivals d'une durée de trois jours et réunissant les artistes! Qu'on reprenne le travail en régions qui est actuellement le parent pauvre malgré le courage des délégués régionaux qui doivent composer avec des finances trop courtes. Qu'on rende leur prestige et les outils de leur gestion aux maisons de la culture qui vivent dans la précarité. Tous ces chantiers du réel sont abandonnés au profit d'illusoires festivals d'été qui, comme les cigales, ne chantent qu'une saison. La question d'ailleurs demeure entière: combien de manifestations et d'actions de proximité le budget de Carthage pourrait-il couvrir? Et, pourquoi un ministère s'égare-t-il au point de se transformer en impresario alors que les pouvoirs publics devraient avoir d'autres chats à fouetter... En attendant, "Layali Carthage" dame le pion à son concurrent de fait et nous laisse supposer que les soirées d'été ont leurs spécialistes, que ces derniers appartiennent au secteur privé et que leurs objectifs sont strictement ludiques et ne se drapent pas dans l'illusion culturelle d'un festival de Carthage dont les fossoyeurs sont les propres animateurs.