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Lectures ramadanesques: "Arabesques, l'aventure de la langue arabe en Occident", Un livre d'Henriette Walter et Bassam Baraké, Editions du temps.. Hâroûn Al-Rachîd et Charlemagne
Dès le début du règne des Abbassides, des relations diplomatiques extrêmement cordiales s'étaient nouées avec les pays chrétiens. Elles seront particulièrement amicales avec Charlemagne, roi des Francs. En effet, entre 797 et 807, les ambassades se multiplieront entre la cour de Charlemagne et celle de Hâroûn Al Rachîd, qui ira jusqu'à envoyer au roi des Francs des cadeaux dignes des Mille et une Nuits. Parmi les nombreux cadeaux envoyés par le calife Hâroûn Al-Rachîd à Charlemagne figuraient non seulement un splendide éléphant, mais aussi de somptueux candélabres d'orfèvrerie finement ouvragée, une tente d'apparat, des tissus précieux, des bijoux de valeur et divers aromates aux saveurs inconnues, mais le présent le plus spectaculaire avait certainement été une clepsydre: une horloge mesurant le temps par écoulement de l'eau dans une cuve graduée. Cette troisième vague de l'expansion musulmane, celle des Abbasides, se caractérise en outre par l'importance que prennent les musulmans non arabes dans la vie quotidienne, aussi bien sur le plan économique que dans les domaines intellectuels et artistiques. En même temps, discordances et schismes entre les différents courants religieux prennent, au sein de l'empire, de plus en plus d'ampleur sans pour autant en entraver le développement économique et scientifique. L'âge d'or du califat abbaside s'achève au milieu du XIe siècle avec la montée irrésistible de la puissance ottomane. Les Ottomans Tout au long du califat abbasside s'étaient succédé des périodes difficiles, marquées par des scissions, des révolutions ou des invasions étrangères. Si bien que, vers la fin du Xe siècle, le pouvoir central s'était affaibli au point que les califes de Bagdad eurent recours à des tribus turques pour protéger leur empire. L'année 1055 marque une date importante dans l'histoire de l'expansion musulmane: les Turcs entrent dans Bagdad en défenseurs du califat. A partir de cette date, après avoir été essentiellement arabe, l'histoire de l'islam devient un fait turc. Pour défendre l'islam, les tribus turques venues de l'Est s'étaient installées aux frontières de l'empire abbasside en menant des combats contre les Byzantins. D'abord organisées en petits émirats, elles finiront par se réunir, à partir de 1032, sous la bannière de l'un de leurs chefs, Osman. Osman Ier, fondateur de la dynastie des Ottomans Ce souverain turc, dont le nom arabe est Uthmân, a régné de 1281 à 1326. Il est à l'origine de l'empire ottoman, un empire qui se renforcera progressivement et deviendra au début du XVIe siècle la principale puissance de l'Orient. Le nom de ce sultan a donné naissance à deux noms de langue française, dont l'un, masculin, désigne un gros tissu de soie, ottoman, et l'autre, féminin, une sorte de siège où l'on peut s'allonger commodément: une ottomane. Le pouvoir des Ottomans s'établit tout d'abord sur l'ensemble de l'Anatolie, puis sur une partie de l'Europe. Profitant de la faiblesse du califat arabe, les Ottomans organisent dès lors un puissant empire qui, à partir de la prise de Constantinople en 1453, s'étendra sur trois continents: l'Asie jusqu'à la Perse, le nord de l'Afrique et l'Europe jusqu'aux portes de Vienne. Le croissant La viennoiserie que nous connaissons sous le nom de croissant a été créée à Vienne pour fêter la victoire des Autrichiens sur les Turcs dont l'emblème était un croissant. La langue arabe, facteur d'unité Malgré les transformations politiques et les changements de dynastie que les musulmans ont connus pendant leur expansion sur de nouveaux territoires et malgré les scissions qui depuis le milieu du IXe siècle, les divisaient en courants théologiques différents, on a pu dire que l'Islam constituait un ensemble homogène, "monolithique". Cette unité en apparence paradoxale remonte, il est vrai à deux grandes sources culturelles intimement associées: le Coran et la langue arabe. L'arabe, langue du Coran Parce qu'il avait été la langue du Coran, l'arabe avait acquis un prestige bientôt reconnu hors de l'Arabie. Dès la mort du Prophète, les grandes campagnes de conquête avaient en effet, comme on vient de le voir, porté l'islam et la langue du livre sacré très loin au-delà des frontières de la péninsule. L'arabe était ainsi progressivement devenu l'organe d'une pensée religieuse et d'un mouvement politique dépassant les différences des ethnies et des cultures. Après les Abbassides, l'expansion musulmane se poursuivra. Elle ira dans des directions plus lointaines: vers l'Europe centrale, la Mongolie, les rivages de la mer Caspienne et vers la Chine. Bien qu'à partir du IXe siècle les Arabes aient perdu le monopole du gouvernement et de la politique, ils n'en garderont pas moins la suprématie que leur accordait la maîtrise de la langue du Coran, leur langue maternelle. Le mot arabe lui-même avait subi à cette époque un changement de sens important: Les Arabes commençaient à accepter toute personne parlant arabe comme faisant partie de leur communauté religieuse. Parler arabe, c'était parler la langue du Coran, et c'était acquérir de ce fait une sorte de passeport pour entrer dans le monde musulman. Le Coran représente ainsi, pour tous les musulmans, un lieu de ralliement incontournable. Pierre angulaire de la religion musulmane, ce livre exerce depuis le VIIe siècle un pouvoir et une fascination qui n'ont cessé de se faire sentir jusqu'à nos jours aussi bien chez les musulmans d'Arabie que chez les adeptes nouvellement convertis. Ne pas confondre arabe, arabophone et musulman Du fait que l'arabe a tout d'abord été parlé uniquement en Arabie et qu'il s'est ensuite répandu dans de nombreux pays grâce à la propagation de la religion musulmane, on a trop souvent tendance à confondre arabe, arabophone et musulman. Or, le terme arabe n'a d'abord désigné que les populations de la péninsule arabique et c'est par un abus de langage qu'il a, en Occident, servi ultérieurement à désigner l'ensemble du monde dit "arabe" c'est-à-dire plus exactement, du monde arabophone en l'identifiant abusivement au monde musulman. En fait, tous les musulmans ne parlent pas arabe (en Iran, pays musulman, le persan est une langue indo-européenne) et tous les arabophones ne sont pas musulmans (au Liban et au Maroc, par exemple, où ils peuvent être chrétiens ou juifs).