Hier, un enfant de 11 ans s'est pendu avec une corde à la rampe de l'escalier de son domicile situé à Cité Enouamer à Sidi Bouzid. Malgré l'intervention rapide des secours et leur tentative de le réanimer, le jeune garçon est décédé dans l'ambulance qui le transportait à l'hôpital. Les raisons ayant poussé cet élève de sixième année de l'enseignement de base à mettre fin à ses jours restent pour l'heure inconnues. L'enquête en cours devrait apporter plus de précisions sur ce geste désespéré commis par un enfant encore à la fleur de l'âge. Ce énième suicide juvénile survient à peine un mois après celui de Nessrine, âgée seulement de 8 ans et également habitante de Sidi Bouzid, plus précisément de Jelma. Elève de troisième année primaire, la fillette s'était pendue à l'arrière cour du domicile familial. Mais le plus intriguant dans cette affaire c'est qu'elle a mis fin à ses jours à l'endroit exact où son frère aîné s'était suicidé il y a près d'une année. Mais ces trois cas sont loin d'être isolés. En effet, une vague de suicide juvénile dans plusieurs régions secoue depuis peu la Tunisie et inquiète les experts. Le 1er avril dernier, à Bazina (Bizerte), quatre jeunes filles de moins de quatorze ans ont avalé du raticide pour tenter de mettre fin à leurs jours. Elles voulaient se suicider de peur d'être renvoyées de leur collège suite à la disparition du registre de classe. A Monastir, le 15 mars dernier, une jeune de 15 ans s'est défenestrée à cause de ses mauvaises notes. Début mars, une jeune élève Kairouanaise a tenté de se suicider dans l'enceinte de son collège. D'autres cas similaires ont été enregistrés en février et janvier derniers. A noter que l'année précédente a également enregistré un grand nombre de suicides juvéniles dans plusieurs villes tunisiennes. Selon l'Observatoire social relevant du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), ils seraient 18 à avoir mis fin à leurs jours en 2014. Mais en Tunisie, comme dans d'autres pays où ce phénomène reste tabou, malgré sa profusion, il est difficile de recenser tous les cas vu que de nombreux cas de suicides sont passés sous silence, surtout dans les régions les plus isolées et défavorisées. L'effet Papageno Pourtant, le suicide de Chiraz, 12 ans, qui s'est pendue à cause des mauvais traitements qu'elle subissait à l'internat situé à Kairouan, est loin d'être passé inaperçu. Largement médiatisé, son cas avait alors ému les Tunisiens qui ont découvert au lendemain du drame une mère rongée par la culpabilité et la tristesse de n'avoir pas pu percevoir la détresse de sa fille et la sauver à temps. Mais loin d'avoir eu un effet dissuasif, cette affaire a semble-t-il au contraire donné des idées à d'autres jeunes et moins jeunes puisqu'une vague de suicides a aussitôt suivi, toujours dans le gouvernorat de Kairouan puis dans d'autres villes. Les experts parlent de l'effet Papageno, du nom de l'un des protagonistes de l'opéra « La flûte enchantée » de Mozart. En effet, des études réalisées dans plusieurs pays ont montré qu'une série de suicides avait très souvent suivi la médiatisation d'un ou de plusieurs cas de suicides. Ces drames sont rapprochés dans le temps, moins d'une semaine en général et se concentrent dans la zone géographique couverte par les médias qui ont diffusé ce récit. Les scientifiques évoquent principalement trois hypothèses pour expliquer ces suicides en grappe : l'imitation, l'amorçage et la vulnérabilité préalable. Traitement médiatique du suicide: un sujet délicat Malgré la gravité de la situation, faut-il pour autant faire un black-out médiatique sur tous ces cas de suicide juvénile ? N'est ce pas là une forme de censure contraire à la liberté d'expression, même si des vies humaines sont en jeu ? Quelles responsabilités morales les médias endossent-ils vis-à-vis des citoyens dans le traitement de ces sujets sensibles ? Pour Dr Fatma Charfi, pédopsychiatre à l'hôpital Mongi Slim, l'idéal serait que les médias renoncent dans ces cas précis à l'effet buzz et observent scrupuleusement les règles déontologiques en vigueur telles que se référer à des professionnels pour comprendre toute la complexité du phénomène, éviter les clichés ainsi que la pression du temps, ne pas traiter les cas de suicide comme des faits divers, éviter le sensationnel en texte, image et vidéo, ne pas avancer des statistiques erronées et alarmistes, respecter la vie privée des suicidés ainsi que de leur entourage mais aussi signaler les ressources d'aide et donner des informations utiles à la prévention.