Il y a plus de trois ans, le peuple tunisien se soulevait contre son dictateur, forçant l'admiration de certains et s'attirant les foudres d'autres pour différentes raisons. Aujourd'hui, alors que le pays vient d'organiser les premières élections présidentielles libres et démocratiques de son histoire, tous les regards ont de nouveau convergé vers lui. Mais si certains se sont contentés de saluer ce moment historique et que d'autres ont commenté en toute objectivité les résultats du premier tour, de petits malins et plus précisément des journalistes étrangers ont cru bon de se poser en donneurs de leçons critiquant âprement du choix des Tunisiens et se moquant ouvertement de l'un des deux candidats, notamment pour son âge. Samedi dernier, dans son émission « On n'est pas couché », Laurent Ruquier a également évoqué les résultats du premier tour des présidentielles, prenant aussi pour cible Béji Caïed Sebsi. Au cours de sa rubrique « Flop 10 », l'animateur n'a pas été tendre avec le politicien et n'y est pas allé de main morte pour dresser de lui un portrait des peu flatteurs, écorchant au passage son nom, raillant tout spécialement son âge et se gaussant de son état de santé jugé d'après lui, vulnérable. D'après Ruquier, si Essebsi est élu dans un fauteuil, ce sera surtout au sens propre puisqu'il a 88 ans. Il ajoute moqueur : « Dire qu'on parle de jeune démocratie en Tunisie. Si c'est pour élire un octogénaire... » Sourire en coin, il termine ainsi sa joute verbale: « Mais il faut dire que les Tunisiens ont été plutôt malins car si Mr Sebsi devient un dictateur, il a peu de chance de rester 23 ans au pouvoir, comme l'a fait Ben Ali. » Les réactions des chroniqueurs et des invités de l'émission ne se sont pas fait attendre. Si Léa Salamé a tenu à féliciter la Tunisie « le seul état où la démocratie marche et où la révolution a donné quelque chose», Aymeric Caron s'est quant à lui déclaré moins enthousiaste, raillant le candidat « dinosaure » qui a fait partie de l'ancien régime et ne se privant pas de jeter un doute sur la transparence des élections tunisiennes: « Ce n'est pas parce qu'il y ait une élection, des gens qui votent et plusieurs candidats que c'est forcément clair. » Autre intervenant, Stéphane Guillon, l'humoriste réputé pour ses blagues sur les politiciens, a ajouté sur un ton moqueur: « C'est un résultat triste. Est ce que ce candidat a Alzheimer ? Est ce qu'il se souvient qu'il a été élu? » Par ailleurs, une émission de la chaine algérienne « Magharibia », émettant à partir de Londres, a également critiqué de manière virulente l'arrivée en tête de Béji Caïed Essebsi au premier tour des élections présidentielles tunisiennes. Le présentateur a ainsi diffusé plusieurs extraits dont celui où le politicien avouait lors d'une interview sur El Jazeera qu'il y a toujours eu fraude lors des élections tunisiennes, y compris du temps où il était ministre ou encore lorsqu'il a perdu son dentier en plein speech et qu'il peinait à articuler les mots. L'animateur ne s'est pas contenté de diffuser ces extraits mais il a cru bon de donner son avis, d'inciter les Tunisiens à voter massivement pour Marzouki et ce, « parce qu'il est médecin, par ce que ce n'est pas un voleur lui et qu'il n'a pas voiture blindée mais aussi par ce qu'il a financé sa campagne électorale de ses propres deniers grâce à la vente de son livre et qu'il a été le seul président arabe à avoir dénoncé et qu'il a eu le courage d'inviter Khaled Mechâal en Tunisie ». Pour toutes ces bonnes raisons, il demande aux Tunisiens de ne pas se laisser faire pour qu'ils ne deviennent pas la risée du monde... Un timing pas très innocent Il est clair qu'avec son âge avancé, Béji Caïed Sebsi ne fait pas l'unanimité et que ses détracteurs ne sont pas prêts de lui pardonner le fait d'avoir été ministre sous Bourguiba et président de la chambre des représentants sous Ben Ali. Mais le déchainement des chaines françaises cache-t-il autre chose ? Ses propos suite au séjour écourté du célèbre lobbyiste français Bernard Henri Levy en Tunisie y sont-elles pour quelques choses ? Il est difficile d'avoir le fin mot de cette histoire. Toutefois, ce n'est pas la première fois que la Tunisie est la cible de tentatives de déstabilisation par les médias étrangers, notamment en période électorale. A quelques jours des élections législatives, la chaine Al Jazeera, proche des mouvements islamistes, avait prévu de diffuser un documentaire dit « explosif » sur l'assassinat de Chokri Belaïd, avant de se raviser et d'en reporter la diffusion. Toujours à la veille des législatives, la chaine M6 avait diffusé l'émission « Enquête exclusive » consacrée à la Tunisie. Beaucoup y ont vu une tentative de la part du journaliste Bernard de la Villardière de s'immiscer dans les affaires internes de la Tunisie, voire de forcer la main de l'électeur en enjolivant le bilan de la Troïka. C'est à se demander où étaient tous ces médias et notamment les médias français du temps de Ben Ali. Alors que le peuple tunisien vivait sous le joug d'une dictature répressive, bon nombre de journalistes chantaient les louanges d'une Tunisie libre et moderne, vantant la beauté de cette destination touristique idyllique à la mer cristalline et au sable fin et s'arrêtant net au niveau de cette description digne d'une carte postale. Aujourd'hui, leur parole semble s'être libérée, se prenant sans gêne pour le grand frère protecteur et moralisateur. Donner son avis, oui. Critiquer objectivement, oui. Rapporter les faits, oui. Mais tourner en dérision la Tunisie et se moquer des choix de son peuple ? Voila ce que nous, fiers patriotes, n'accepterons jamais, malgré nos divergences politiques !