Le gouvernement est-il suffisamment structuré pour gérer un dossier aussi lourd que celui de Hezb Ettahrir ? Qu'est-ce que ce parti en fait ? Il prétend purifier les âmes impies, exhumer le djihadisme rédempteur – même à la pointe du sabre – contre les mécréants et les athées. Son discours sur la Chariaâ n'est par ailleurs que poudre aux yeux, et la Chariaâ les dignitaires de Hezb Ettahrir comptent en faire un cheval de Troie. Un cheval de guerre en somme. On ne comprend pas le repli gouvernemental (cf p6) dont on sait qu'il a refusé d'accorder son visa à Hezb Ettahrir (Ridha Belhaj s'est même exprimé, menaçant, sur nos colonnes, hier), mais qui a l'air maintenant de tituber, de faire des confusions, se contentant d'un communiqué laconique où il affirme n'avoir pas encore examiné ce dossier. La peur d'une déflagration ? L'appréhension d'actions radicales en « représailles » que mènerait Hezb Ettahrir déjà génétiquement violent, guère disposé au dialogue et croyant, en plus, qu'il est le seul dépositaire de l'Islam originel ? Ce qui est sûr, c'est qu'au-delà des cafouillages administratifs, il y a quand même à se demander si la nation et le peuple tunisien, en cette ère d'égarements confessionnels et de questionnements identitaires, sont capables de supporter, tant sur le plan social que sociétal, une religion à deux vitesses. Nous avons toutes les bonnes raisons de rester vigilants face au discours parfois empreint de duplicité d'Ennahdha. Mais nous n'avons pas le choix : il faut faire avec et lui accorder le préjugé favorable quant à l'islamisme modéré qu'elle prône avec, pour corollaire, le respect des libertés, de la démocratie et du statut de la femme. Mais supporter la présence – au nom de la foi et de la démocratie – des obscurantistes, pénalise en premier lieu Ennahdha elle-même. Car ces groupuscules s'attaqueront au réformistes nahdhaouis qui seront les vrais mécréants, à leurs yeux, parce qu'ils rejettent l'intégrisme.