A quel jeu joue-t-on ? Question plutôt naïve, c'est sûr, mais que tout un chacun se pose. Car au manque de visibilité s'ajoute un décryptage de plus en plus problématique et, même, complexe, quant aux motivations, quant aux orientations et quant aux « humeurs » des partis politiques. Voilà, donc, qu'Ennahdha a réussi à devenir psychologiquement, incontournable, pour les Tunisiens. Voilà qu'elle réussit à conditionner ses adeptes autant que ses ennemis. On nous dit que c'est l'effet de la concentration organisationnelle et idéologique dans les mosquées : rien de moins vrai, cependant. Car, c'est bien lorsque les mosquées sont pleines - tout comme pour les chapelles, d'ailleurs - qu'il faut s'interroger sur le dogme. Le jeu est, en effet, autrement sous-jacent. La divinité, la transcendance, la Chariaâ elle-même, ne sont en rien démesurément évoquées dans les discours manœuvriers d'Ennahdha. Celle-ci se refuse à s'accepter et à se présenter comme parti religieux. A la limite, accepterait-elle la carapace islamiste plutôt que toute imbrication dans des amalgames séculiers. Sauf que les Nahdhaouis restent dans leur rôle. Etant parfaitement organisés, super-réseautés « friqués » et parfaitement hiérarchisés, à une semaine du scrutin, bien d'autres partis sont en train de tituber. Une alliance avec « ce cheval gagnant » à leurs yeux, qu'est Ennahdha ? Ils sont plusieurs à y réfléchir même si ce « cheval gagnant » pourrait se révéler être un cheval de Troie.La seule position réellement cohérente et courageuse est venue de Mustapha Ben Jaâfar, tandis que l'homme de gauche, Moncef Marzouki est prêt à brader un quart de siècle de combat très à gauche pour un fauteuil dans les stratosphères. Quant au PDP, là, on ne sait plus : avec lui, on n'en finit pas de s'interroger sur le sexe des anges ! En filigrane ou, plutôt, en arrière-plan, le bruit a couru que Béji Caïd Essebsi, furieux contre ces velléités de « liaisons dangereuses », a failli claquer la porte. Ç'aurait été la pire des choses pour ce pays.