De notre correspondant permanent Zine Elabidine Hamda - Des ONG internationales et des associations de la société civile en France se mobilisent pour condamner les violences policières à l'encontre des manifestants pacifiques du 9 avril 2012 sur l'avenue Habib Bourguiba à Tunis. Amesty International a appelé, dès le mardi 10 avril, les autorités tunisiennes à enquêter sur les informations recueillies par l'Organisation, faisant état de violences commises, le 9 avril, par les forces de sécurité contre des manifestants à Tunis. L'Organisation des droits de l'homme, Prix Nobel de la Paix, a constaté que les forces de sécurité ont utilisé du gaz lacrymogène pour disperser les manifestants qui entraient dans l'avenue Bourguiba. Ces derniers ont répliqué avec des insultes avant que la police, armée de matraques et lançant de nouvelles grenades lacrymogènes, charge la foule. Les policiers ont ensuite repoussé les manifestants et les personnes qui fuyaient le gaz lacrymogène dans des rues latérales. L'Organisation a recueilli des témoignages sur place sur les violences policières et particulièrement sur la participation d'autres individus, en civil, qui « ont roué de coups des manifestants et semblaient prendre pour cible les journalistes et les militants politiques ou de la société civile ». Zied Hani, membre du bureau exécutif du Syndicat national des journalistes tunisiens, a déclaré à Amnesty International qu'il avait été poussé et insulté par des hommes en civil. Il a expliqué que ses assaillants ont également agressé Khemaeis Ksila, membre de l'Assemblée constituante, Ahmed Sadiq, avocat et membre du Barreau, et Jawher Ben Mbarek, membre du mouvement Doustourna. AI a constaté que « des policiers témoins de ces agressions ne sont pas intervenus ». AI a relevé qu'un autre journaliste, qui travaille pour la chaîne de télévision Al Hiwar al Tounssi, a lui aussi été attaqué et sa caméra lui a été prise. Un membre du bureau d'Amnesty International Tunisie, Zouheir Makhlouf, a reçu des coups de pied et a été frappé avec l'extrémité d'un lance-grenades lacrymogènes. « Prononcer une interdiction générale des manifestations pour éviter d'avoir à faire aux manifestants est une infraction flagrante au droit international. Les agissements des forces de sécurité montrent bien qu'il est urgent de mettre en place une nouvelle législation qui protège le droit de manifester pacifiquement en Tunisie », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International. « Tant que resteront en vigueur des lois héritées de la période que Zine el Abidine Ben Ali a passée à la tête du pays, de telles violations du droit de réunion pacifique se poursuivront. Il est incroyable de voir que non seulement le nouveau gouvernement tunisien s'appuie sur des lois aussi draconiennes, mais qu'en plus il interdit les manifestations précisément dans la rue devenue un symbole du soulèvement. » Amnesty a demandé aux autorités tunisiennes d'enquêter sur les informations faisant état de violences commises, le 9 avril, par les forces de sécurité contre des manifestants à Tunis, de traduire en justice les responsables présumés et de « permettre à la population d'exercer son droit à la liberté de réunion ». « Le ministère de l'Intérieur doit immédiatement préciser le statut des hommes en civil qui semblent avoir agressé des manifestants (…) Il faut que les autorités et les législateurs tunisiens profitent de l'élaboration d'une nouvelle constitution pour rompre avec les pratiques du passé et entériner le droit de manifester et de se réunir pacifiquement », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui. Reporters sans frontières s'indigne De son côté, Reporters sans frontières (RSF) a adressé une lettre ouverte, au ton ferme, aux autorités tunisiennes pour « faire part de son indignation » et demander une commission d'enquête indépendante « afin de faire la lumière sur les incidents, d'établir si les policiers ont reçu carte blanche pour faire usage d'une telle violence, et adopter des sanctions punissant les actes délictueux commis par les forces de police ». Elle y qualifie le 9 avril 2012 de « journée noire ». L'organisation a recensé les agressions de 16 journalistes dont deux étrangers. « Reporters sans frontières n'avait pas observé de violences d'une telle ampleur depuis la chute de Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier 2011 », lit-on dans la lettre. Pour RSF, « les forces de police déployées dans le centre-ville de Tunis s'en sont délibérément prises aux manifestants et aux journalistes présents sur le terrain pour couvrir l'événement ». L'Organisation de défense des droits des journalistes cible « cette répression systématique » contre les journalistes : « Les forces de l'ordre ont ainsi cassé le matériel des journalistes, confisqué les cartes mémoire ou effacé leurs clichés, frappé et arrêté arbitrairement des professionnels de l'information et des journalistes citoyens. » RSF rappelle, une fois encore, que « la violence policière n'est pas endiguée et que les vieux réflexes acquis par les forces de l'ordre au temps de Zine El Abidine Ben Ali refont surface, dans un climat d'impunité totale ». L'Organisation avait déjà envoyé aux mêmes autorités tunisiennes une première lettre datée du 12 janvier 2012 (voir Le Temps du 9 février 2012) dans laquelle elle s'inquiétait des violences contre les journalistes des mois de mai et de juillet 2011 et du 3 janvier 2012 et appelait les responsables tunisiens à faire respecter la liberté d'informer. RSF rappelle que lors des précédentes agressions, les résultats des enquêtes internes promises, à diverses reprises, par les nouvelles autorités n'ont jamais été rendues publics et « d'aucuns en viennent désormais à s'interroger sur la sincérité des autorités à vouloir régler le problème des violences policières ». Reporters sans frontières appelle le ministère de l'intérieur, dont certains membres sont responsables des violations commises, à prendre des mesures urgentes pour que de telles agressions ne se reproduisent plus. « Des poursuites doivent être engagées notamment sur le fondement de l'article 14 de la nouvelle loi sur la presse qui réprime le fait d‘“d'humilier un journaliste ou de lui porter atteinte verbalement, par des gestes, par des agissements ou par des menaces”, indique la lettre ouverte. En France, de nombreuses associations de la société civile immigrée en France se sont jointes au concert de condamnations. Une manifestation organisée le 12 avril devait avoir lieu devant le siège de l'ambassade tunisienne à paris pour protester contre les violences policières à l'encontre des manifestants. Dans un communiqué rendu public, elles contestent la décision d'interdire les manifestations sur l'avenue Habib Bourguiba et pointent la responsabilité du ministère de l'intérieur : « Non seulement cette interdiction est illégale, mais elle est aussi infondée car les charges de la police et des milices se sont produites dans plusieurs avenues et rues adjacentes de Tunis (Mohamed V, Jean Jaurès, Atatürk, Paris, le passage, Marseille). Ainsi le cortège de la ligue tunisienne des droits de l'homme a été chargé dans la rue Kamel Atatürk. Un membre du Conseil national de la L.T.D.H. a été admis à l'hôpital à cause des effets des gaz lacrymogènes. » Le communiqué signale aussi que « ces passages à tabac, systématiques, planifiés et organisés n'ont pas épargné les marcheurs de Sidi Bouzid venus à Tunis pour exiger du travail, après avoir parcouru plus de 300 kilomètres de marche » tout comme la manifestation organisée par l'Union des diplômés chômeurs (UDC), sauvagement réprimée le 7 avril 2012. Les organisations participant à la manifestation devant l'ambassade de Tunisie à Paris (A.D.T.F. A.I.D.D.A. - A.T.F. - A.T.N.F. - C.R.L.D.H.T. - Collectif 3 C - D.C.T.E. – Front 14 janvier - F.T.C.R. - Manifeste du 20 mars - M.C.T.F. R.E.M.C.C. - U.G.E.T. / France - Unies-vers-Elles - U.T.A.C – U.T.I.T. /Ile-de-France) ont été soutenues par les partis politiques tunisiens (Ettajdid / Ile-de-France – Ettajdid / France - F.D.T.L. /France – Moupad / France – P.C.O.T. / France / P.D.M. / France - P.T.T. / France) et par des partis et associations françaises (A.M.F. – A.T.M.F. – E.E.L.V. – L.D.H. –Manifeste des Libertés – M.R.A.P. – P.C.F.).