Pour exorciser le Forum de Davos de la fascination démoniaque pour l'ancien régime, il fallait bien sortir l'artillerie lourde : le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et, plus que tout, l'homme qui s'auto-proclame « Guide suprême », accompagné de son fils. Il est vrai que Ghannouchi ne s'est pas imposé aux dignitaires de Davos, ceux-là mêmes qui vénéraient les équilibres et les performances socio-économiques du régime déchu. On l'a tout simplement invité, peut-être bien pour le sonder, pour tâter le pouls d'Ennahdha, pour s'assurer que le premier parti du pays est bien islamiste démocratique et que, de ce fait, il méritera tous les appuis. Davos, on le sait, est le plus grand baromètre socio-économique au monde. C'est un auxiliaire particulièrement influent auprès de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International. C'est bien sur son insistance que Strauss-Kahn a suggéré au gouvernement Ghannouchi, il y a quatre ans, de réviser les prévisions de croissance à la baisse et l'on se rappelle la promptitude avec laquelle une loi de finances complémentaire a été promulguée. Or, le danger avec ces instances c'est que leurs rapports ne sont pas forcément objectifs. Que pouvions-nous rétorquer quand Davos, l'Oxford Group, la Banque Mondiale, l'OMC et le FMI, noyaient l'ancien régime de notations et d'évaluations flatteuses et, à la limite, obséquieuses ? Pouvions-nous objecter, sans risquer d'être taxés de traîtrise contre la Nation ? Avec la vérité ayant éclaté au grand jour au lendemain du 14 janvier, un repositionnement s'impose. Des forums du type de Davos, ne prêtent qu'aux riches. Encore faut-il s'assurer des critères adoptés. En tous les cas, Cheikh Rached, l'invité d'honneur du forum serait plus inspiré de laisser le gouvernement traiter avec distance et réalisme face à des gens viscéralement taraudés par les préjugés. Leur faire la courbette serait faire preuve d'allégeance. Leur tenir un discours islamisant et résolument idéologique serait pire. Mais, en fait, qui osera dire la vérité : eux ou nous ? Par ricochet, on découvrira à quel point un Khayam Turki aurait été très précieux et incisif dans ce genre de situations. Et, d'ailleurs, on verra bien si les Emiratis nous tendront la main…