Jeunes et moins jeunes, elles sont sorties côte à côte avec les garçons pour réclamer, un certain 14 janvier, le droit à la liberté et à la justice sociale. En chœur, elles fredonnèrent l'hymne national et scandèrent les chansons de la première Révolution arabe. Aujourd'hui, elles sortent rappeler que leur acquis ne doit point être touché. Le message est simple : la nouvelle Constitution devra respecter la loi sacrée et inviolable seul, garant des libertés et des droits de la femme. Elles, se sont les femmes tunisiennes. Belles et rebelles, conservatrices et modernes, dignes et déterminées, elles sont la fierté de leur Patrie et portent tout haut la couleur nationale. Pourtant, de fil en aiguille, on les voit devenir progressivement, la montée de l'islamophobie aidant, l'épicentre des attaques absurdes et anachroniques. Attaquées, insultées ou voire agressées, elles virent leurs droits les plus élémentaires menacés et ébranlés. Or, elles n'ont pas encore dit leur dernier mot… Mais quel est donc le déclencheur de ce nouveau phénomène qui s'est immiscé dans notre société ? Qui sont ceux qui veulent que la femme tunisienne redevienne esclave des dogmes et doxas à l'ancienne ? Comment concilier femme et islam dans ce nouveau paysage socio-politique postrévolutionnaire où le religieux se le dispute au politique ? La femme tunisienne sous le Protectorat Un petit saut dans l'Histoire s'est imposé face à la situation critique dans lequel se trouve aujourd'hui le statut de la citoyenne tunisienne. Adulée par certains et atrocement pourchassée par une bonne tranche sociale aux principes obscurantistes qui crient au retour de la femme au foyer, la Tunisienne tient pour autant à ses droits. Pour cause, dès le début du XXème siècle, trois grandes figures emblématiques ont bâti l'émancipation de la femme en Tunisie, Béchir Sfar (chef des proto-nationalistes réformateurs), le pionnier Tahar Haddad (syndicaliste, homme politique et fervent militant de la cause féminine) et Charlotte Eigenschenck (fondatrice de l'école Millet, première école tunisienne pour les femmes musulmanes en Tunisie en 1900). Les écoles étaient devenues à l'époque le berceau du savoir et le garant de la liberté des jeunes tunisiennes et de leur autonomie. La sortie du joug d'une ère rétrograde et aliénante ne s'est bien évidemment pas passée sans heurts ni sans luttes. La société tunisienne étant très conservatrice du temps de la Régence, refusait catégoriquement que la femme aille à l'école, travaille et soit indépendante. Pour gagner la sympathie des parents, il fallait leur montrer que le contenu des programmes enseignés respectait la religion et la morale tunisienne. Une palette à la fois conservatrice (Coran, la langue arabe et le Hadith) et moderne progressiste (les maths, les sciences et la puériculture). En somme, un enseignement en harmonie avec les règles de la société arabo-musulmane et ouvert sur l'éducation française. La Tunisie indépendante, une femme émancipée Une date à retenir : le 13 août 1956date de la promulgation historique du Code du Statut Personnel. A peine cinq mois après l'Indépendance, Habib Bourguiba promulgua des textes de loi qui donnèrent à la femme tunisienne une place inédite et sacrée au sein de la société nouvellement émancipée tout en restant conservatrice. L'abolition de la polygamie, le consentement quant au mariage, le droit à l'enseignement et le droit de divorcer étaient une innovation dans le Monde Arabe. Toujours inspiré du modèle français, le premier président de la première République tunisienne donna à la femme un statut inscrit et sacré par une loi malgré des critiques réfractaires. Une certaine angoisse misogyne accompagnait, en effet, ce texte de loi progressiste qui ouvrit une nouvelle ère au sexe féminin. La violence conjugale dont la femme était très souvent victime trouvait son écho dans les milieux sociaux défavorisés avec un regard très sévère à l'égard de celle qui osait porter plainte ou quitter le foyer conjugal. Islamophobie et la phobie du prosélytisme Le successeur de Bourguiba, certes, était un dictateur corrompu. Il a toutefois respecté le CSP et a rajouté quelques autres lois féministes pour consolider encore plus le statut de la femme tunisienne. Avec l'arrivée de la Révolution, les libertés individuelles étaient au centre des débats socio-politiques. Un nouveau paysage commence à s'installer dans une société totalement déboussolée face à ce trop-plein de «libertés». Et progressivement, on commence à apercevoir une certaine haine envers la femme tunisienne. Les attaques commençaient à se faire sentir dans la rue et dans les sites sociaux à l'instar de Facebook. La montée des pensées dont certaines tendances rétrograde vont à l'encontre des libertés individuelles de la femme, se font de plus en plus angoissantes. La société tunisienne urbaine est du jour au lendemain ébranlée par un retour en arrière. Toute expression de liberté, toute innovation féminine est taxée d'athéisme et de désacralisation du divin. Avec les 41% de vote pour le parti islamiste Ennahda, les Tunisiens entrent dans une espèce de guerre idéologique et théologique latente où, certains courants extrémistes occultes font en sorte que la femme soit la première victime. Les intellectuels défendant la cause féminine sont désormais, soupçonnés d'athéisme. Et les provocations ne manquèrent pas de part et d'autre. C'est à se demander à qui profite ce duel entre femme et poussée extrémistes ? Ne pourrait-on pas avancer librement et dignement tout en respectant les susceptibilités religieuses et les normes qui ont toujours composé la société tunisienne ? N'aurions-nous pas besoin de nouvelles réformes post révolutionnaires qui respecteraient les droits individuels et le libre arbitre et qui consolideraient le statut de la femme au sein d'une Constitution respectueuse des deux sexes ? En tout cas, une grande révolution mentale et intellectuelle devrait avoir lieu pour que tout ceci soit exaucé. Melek LAKDAR