Il faudra s'en accommoder, accepter l'idée que c'est bien fini, remiser le vieux poste de radio au placard, rompre le fil invisible qui vous rattachait, hier encore, à votre jeunesse, pour vous résoudre à l'idée, au fond pas très originale, que les meilleures choses ont une fin. Et qu'il ne sert à rien de rejoindre le concert des «pleureuses ». D'ailleurs on vous l'a souvent signifié, mi-figue, mi-raisin : il faut vraiment que vous souffriez d'une anomalie congénitale, traduisez « tarée sur les bords », pour que vous soyez fan de chansons françaises à texte « gnan gnan », que personne ne passe depuis belle lurette, sauf Rachid Fazâa sur RTCI. Et, justement, vous acceptiez le compliment de gaieté de cœur. Tant que ça durait, vous vous en fichiez comme de l'an quarante de faire partie du clan des demeurés qui écoutent Brassens, Brel, Piaf et Ferrat sur les ondes radiophoniques, puisque vous aimez ça, et qu'on vous les offre chaque mercredi en soirée, sur un plateau d'argent. Sauf qu'aujourd'hui c'est bien fini, depuis qu'un certain animateur qui en connaît un rayon sur la question, a eu l'outrecuidance de partir en retraite. Il n'aurait pas dû, et il faut le rappeler à l'ordre. Ou bien lui fabriquer un clone. Qui sache passer des chansons à texte sur les ondes, les installer dans un univers qui leur va comme un gant, pour que vos nuits soient plus belles que vos jours…, en chansons et en musique. Enfin, il faut en convenir, tant que la voix de Rachid Fazâa occupait par intermittences, entre une chanson et une autre, l'espace radiophonique de RTCI (Radio Tunis Chaîne Internationale) d'un mercredi l'autre, vous aviez l'impression que vous étiez installés dans vos vingt-ans pour une éternité, sans avoir besoin de changer de bail. Et c'était vraiment des moments très privilégiés… Car la radio est un métier, la radio est un accompagnement, en douceur et en dentelles d'Alençon, et ne peut pas qui veut. Dans la vie, nul n'est irremplaçable il est vrai, mais il y en a qu'on ne remplace pas…