Une formule magique à connotation peut-être bien inspirée par Pavlov Les gens ont tellement intériorisé et enduré le système où tout s'achète et se vend, que la moindre évocation d'une prestation non payante les fait saliver. En fait le secret des " bonus " et des "offres " réside dans l'incitation à l'achat des biens non fondamentaux. Jamais, dans l'histoire du discours publicitaire, deux mots n'ont eu autant de succès. Ils sont équivalents à la formule magique " abracadabra ". Véritables trouvailles, les expressions " Bonus " et " Gratuit " sont vues, entendues et lues pratiquement sur tous les supports mis à la disposition des publicitaires du monde entier. Vous avez beau dans votre lit, bien au chaud sous la couette, dans une chambre aux murs entièrement nus, sans radio, ni télévision, ni journal, le " Bonus " et le " gratuit " ne vous lâchent pas pour autant. Un message sur le portable vous informe que tel service de votre opérateur ne vous coûte rien, et qu'un deuxième vous rapporte quelques minutes de communication non facturée. Ce genre de harcèlement quotidien ne semble déranger personne. Certains consommateurs le subissent avec un plaisir évident. La gratuité est en effet le mirage qui tente le plus les hommes contemporains de l'économie de marché et de la société de consommation. Les gens ont tellement intériorisé et enduré le système où tout s'achète et se vend, que la moindre évocation d'une prestation non payante les fait saliver. Offrir...contre de l'argent ! Ce réflexe est aujourd'hui exploité à fond par les fabricants de très nombreux produits, et la majorité des prestataires de services, lesquels ont toujours quelque chose à " offrir " Un verbe qui a, lui aussi, beaucoup d'effet sur les clients virtuels. Nous avons fait le tour d'un grand magasin de Tunis et avons dénombré pas moins de 36 articles sur l'emballage desquels apparaissaient les adjectifs " gratuit " et " offert ". Il s'agit le plus souvent de poudres de lessive, de détergents, de produits cosmétiques, de bombes aérosols, d'eau minérale et de boissons diverses. A l'étage, nous avons lu l'expression " offre spéciale " sur une trentaine d'emballages d'articles ménagers et d'appareils électriques et électroniques. Interrogées sur le crédit à accorder à ce type de messages publicitaires, deux dames affirmèrent qu'ils étaient fiables : " Je ne pense pas, répondit la première, que de grandes marques comme celles qui fabriquent ces articles puissent bluffer. Les entreprises doivent écouler leur production toujours au même rythme ou à un rythme meilleur. Lorsque les ventes enregistrent une relative baisse, ils adoptent toutes les stratégies susceptibles de relancer leur activité commerciale, et le consommateur en profite. Personnellement, j'y crois ! ". Son accompagnatrice semble moins crédule : " Des fois, je me demande, à propos des shampooings par exemple, si la composition chimique reste la même quand on offre 50 ml supplémentaires dans un flacon. Mais lorsque je lis qu'on promet de me faire cadeau d'un troisième flacon si j'en achète deux, j'avoue que cela me tente vraiment, surtout lorsqu'il s'agit de produits à forte utilisation chez moi. " Les vrais bonus, c'est pour quand ? Le secret des " bonus " et des "offres " réside en fait dans l'incitation à l'achat des biens non fondamentaux. L'incitation à la consommation, qui est l'une des finalités premières de la soi-disant gratuité, se fait à travers la publicité pour des produits de nécessité secondaires. Aujourd'hui, on encourage les consommateurs à téléphoner à longueur de journée et de soirée pour quelques dinars seulement. La recharge des produits télévisuels, cinématographiques et musicaux se fait gratuitement aussi sur Internet. On parfume son corps ou sa maison à beaucoup moins cher. On s'habille et se chausse pour presque rien. En revanche, les prix des biens essentiels ne cessent d'augmenter. Dans une récente interview accordée à une chaîne de télévision française, Jacques Attali souligne en effet la gratuité des biens superflus contre la cherté des biens essentiels : l'eau était gratuite, elle ne l'est plus et se vend toujours de plus en plus cher, l'électricité aussi, le transport, les médicaments, et déjà on nous fait payer l'air avec la nouvelle taxe-carbone, remarque-t-il. Peut-être paierions-nous demain " le droit de vivre ", ajoute narquoisement le célèbre économiste ! Rêvons toujours, c'est gratuit ! Le rêve (ou l'utopie) de la gratuité caresse tous les esprits, pour le satisfaire en partie, on aimerait bien voir les laboratoires de médicaments offrir une tablette supplémentaire de comprimés et des doses de sirop conséquentes ; or dans les faits, c'est tout le contraire qui se produit. Nous souhaitons aussi que la STEG et la SONEDE consentent des bonus et accordent quelques mètres cubes et kilowatts non facturés. Mais pour l'heure, la tendance est à l'inverse puisqu'on nous fait payer quelquefois des services qu'aucune des deux sociétés ne nous rend. Et si le lait devenait gratuit ? Ce serait pour de bon un vrai cadeau de fin d'année ! Hélas, le litre est vendu plus cher à chaque nouvelle saison. Rien ne nous empêche de rêver encore et toujours d'un monde d'abondance où tout serait " offert ". Profitons-en donc, tant qu'il ne nous coûte encore rien de ...rêver !