Brahim Mahouachi est parti. Dans cette démarche légère. Presque sur la pointe des pieds. Dans une allure de jeune homme qui a su bien porter ses 84 ans. Tout s'est précipité ces dernières semaines. On le savait malade. Mais l'ironie voltairienne qui était sienne, ces pointes d'humour graves, parce que chargées de messages, cette manière d'esquiver – comme des temps où il montait sur le ring - et ses répliques qui avaient la force d'un uppercut. Brahim Mahouachi a traversé le siècle dernier en témoin de son époque, mais surtout en grand sportif. Il fut l'instigateur de la presse sportive écrite à Assabah des temps de feu Habib Cheikhrouhou. Il était aussi le chroniqueur anti-conformiste de la radio et le commentateur de combats de boxe célèbres. La boxe ? Oui, c'était « Brahim Jeune », champion d'Afrique du Nord et qui s'en allait humilier le champion d'Egypte au Caire même, avec un certain Bourguiba, en fuite et qui instrumentalisait aussitôt la victoire de Barhoum pour la cause nationale. Il fut aussi le chef de cabinet de feu Azzouz Rebaï, alors secrétaire d'Etat au Sport. Devenu journaliste, il lança les frères Attia puisqu'il fut le premier chef des Sports à Assabah. Barhoum, c'était un régal. Le sport, c'était sa religion. L'humour, son refuge. Inventif, créatif, il menait des recherches sur le sport et ne se dérangeait pas pour nous « prouver » que le football existait déjà à l'époque du Prophète et qu'Ibn Khaldoun voulait faire l'avant-centre. Et puis, ses chroniques « La tasse de café du dimanche », là où il faisait le El Aroui du sport. Un cœur gros comme ça, un sens aigu du patriotisme, le fils d'El Halfaouine et de Ras Eddarb était d'une célébrité incommensurable. Mais avec quelques incroyables illuminations, une espèce de solitude, des tourments existentiels, parfois un repli sur soi, et les longues méditations quand il fait sa marche quotidienne en allant au travail et en rentrant chez lui. Le matin, c'est la corde, et il l'a fait au-delà des 70 ans. L'émotion où j'écris ces lignes me serre la gorge. Nos aimables lecteurs savent que je n'utilise jamais le « je ». Qu'on me concède cette complainte pour Barhoum, mon oncle, celui qui m'enfila un kimono à l'âge de 8 ans chez Hamadi Boulahya et m'imposa de faire du judo. Celui qui me transmit le virus du journalisme et qui me disait : « Si tu veux devenir un grand professionnel, fais-le en amateur ».