Le président du Tribunal au témoin : « Jurez par Allah le Tout-Puissant de dire la vérité » « Je jure par Allah le Tout-Puissant de ne dire que la vérité », répond le témoin. La salle d'audience était comble en ce jour du mois de mai où la chaleur ajoutait à cette ambiance suffoquante et obligeait les juges qui composaient la Chambre criminelle d'enlever leurs toques, chacun d'eux se contentant de la poser devant lui sur le pupitre en bois, où s'amoncelaient des tas de dossiers et derrière lequel siégeait l'ensemble des magistrats. A l'aile droite de la salle, le représentant du procureur de la République siégeait à part , tandis qu'à l'aile gauche on pouvait reconnaître tout ce que lui dictait le président. « Le Tribunal vous écoute », dit le président au témoin ». - « Bien monsieur le président. Le jour du drame, j'ai entendu un grand vacarme provenant de l'appartement qui était en face du mien, à l'immeuble « les Mimosas », j'ai entendu les cris d'une femme, puis plus rien ». - avez -vous remarqué quelque chose d'anormal à part ces cris de la femme ? - Non monsieur le président ; ce n'est qu'après, c'est-à-dire le surlendemain que j'ai appris qu'une dame est morte asphyxiée au gaz, dans cet appartement. - « Etait-ce la femme que vous avez entendu crier la veille ? » - « Je n'en suis pas certain » Le témoin retourna à sa place et s'adressant à l'accusé de nouveau, le président lui dit : - « Vous vous êtes disputé avec votre épouse la veille ? » - « Un petit malentendu, monsieur le président, mais rien de catastrophique ». - « Et puis qu'est-ce qui s'est passé ? » - « Le lendemain matin, je suis parti travailler à Sousse. J'en avais pour 24 heures. Je suis retourné en catastrophe, ayant appris que ma femme a été trouvée morte ». - « Et pourtant vous étiez le dernier à l'avoir vue, car elle n'avait pas quitté l'appartement depuis » - Je n'en sais rien, monsieur le président Jamel, homme d'affaires et chef d'entreprise n'était pas en très bons termes avec son épouse, depuis qu'il eut vent de ses escapades et ses rencontres secrètes et répétées avec le jeune homme qui rôdait autour d'elle, et lui fit apparemment « tourner la tête », comme dans la chanson d'Edith Piaf. Le comportement de sa femme avait effectivement changé à son égard, surtout qu'il était son aîné de 25 ans et que de leur union, datant de plus de dix ans, il n'y eut pas de procréation. Mais au lieu de lui en parler franchement, il alla directement prévenir le jeune homme, qu'il allait lui arriver malheur s'il ne s'éloignait pas du chemin de sa femme. Une semaine après, sa femme a été trouvée morte, par asphyxie due au gaz. Le mari était-il celui qui provoqua ce meurtre , en laissant le robinet à gaz ouvert ? Toutefois, celui-ci clamait son innocence depuis l'enquête préliminaire, jusqu'à l'audience. Ces aveux intervenus au cours de la procédure étaient extorqués par la violence, affirmait-il. D'autant plus que le jeune homme en question avait été vu quelques jours avant le drame dans l'immeuble, où se trouve le domicile de la victime. Etait-il entré dans l'appartement où eut lieu le drame ? La dispute qui eut lieu et que relata le témoin, s'était-elle passée entre lui et la victime ? Celle-ci voulait-elle en fuir avec lui, alors qu'il tenait à elle ? S'était-elle suicidée ? Autant de questions qui compliquaient la situation. D'ailleurs, le jeune homme qui fut interpellé à titre de témoin, nia totalement avoir eu quelque relation que ce soit avec la victime. La thèse du cambriolage a été également envisagée ; mais tout était en place dans la maison le jour des faits, si bien que cette thèse a été très vite écartée. Les seules empreintes qu'on pouvait relever étaient celles du mari en plus de celles de la victime. Mais ce n'est point un élément accablant pour l'accusé, car il habite normalement au foyer conjugal. Pourquoi alors était-il présumé comme étant le seul coupable ? Eh bien, ce fut essentiellement suite aux accusations de la famille de sa femme, qui le décrivait comme un être excessivement jaloux et suspicieux .La mère de la victime déclara au Tribunal qu'au cours d'un des disputes avec sa femme défunte, il la menaça de mort, mais le pensait-il sérieusement ? Quoiqu'il en soit, il fut inculpé et jugé pour homicide volontaire. Mais le mystère reste entier dans cette affaire où il existe deux rivaux : un époux jaloux et un amant désœuvré, mais qui agissait dans l'ombre , niant avoir eu quelque relation que ce soit avec la victime.