Ashraf Benabdeladhim est un artiste plasticien tunisien, peintre et calligraphe, professeur d'arts plastiques, diplômé de l'Institut Supérieur des Beaux-arts de Tunis, spécialisé dans le dessin. Il a participé à plusieurs expositions nationales et internationales, et y a reçu plusieurs prix internationaux, dont le deuxième prix du public en 2016 à l'occasion du 45ème salon d'Automne à Péronne (France). Dans son atelier d'art privé sis à Djerba, il accueille régulièrement des stagiaires de diverses nationalités (Tunisie, Maroc, Algérie, Belgique, France, Etats-Unis etc.) et des amateurs d'art du monde entier. Ses œuvres connaissent un franc succès partout où il les expose. L'artiste maîtrise le dessin sur plusieurs supports, ainsi que la peinture sur des objets abandonnés et anciens et réalise les fresques murales géantes qui décorent les entrées des villes. Par ailleurs, il se distingue par un style artistique unique dans lequel il allie peinture et calligraphie. Il a également décoré des stations de transport sur l'île de Djerba. Son concept différent de la réceptivité artistique vise à établir un art participatif et fonctionnel, un art ouvert à la société et à l'espace public. Il a pris l'initiative de poursuivre le projet Djerbahood développé par la galerie Itinérances de Paris dans le village el-Riad pour inciter les artistes de rue à continuer cette action en remplaçant les fresques détériorées. Il a réalisé de nombreuses fresques chez des particuliers ou dans les villes et villages de l'île de Jerba (écoles, associations, etc.). La question de la femme : un dépassement des contextes orientalistes L'un de ses thèmes favoris se trouve être la condition féminine. Les femmes dans ses peintures s'expriment et transmettent au spectateur des points de vue, une position contre la société, une position contre un monde injuste, et contre des blessures inoubliables. Parmi ces tableaux, nous pouvons retenir Regard, Face à Face, Djerbienne, Espoir, Homme et Femme, Fidélité, Simplicité, Que des Femmes, Femme, Obstination, Transparence, disparition.Mais celui qui nous a le plus interpellée, c'est indiscutablement « Amour pur » dont nous proposons cette rapide lecture plastique et herméneutique. Description du tableau Achevé le 28 mai 2020, mesurant 90/70 cm, huile sur toile, il réussit parfaitement le mariage entre peinture et calligraphie arabe. Le tableau s'ouvre comme une fenêtre, avec deux côtés inégaux. Sur le petit côté, à gauche, c'est la calligraphie arabe qui s'étend verticalement. Le reste du tableau est la scène d'une mère avec son bébé. De sa main droite, celui-ci tente d'effacer le tatouage gravé sur le front de sa génitrice, et de sa main gauche, il recherche ses seins qui semblent se dérober à ses doigts. Les deux couleurs dominantes dans la palette de l'artiste sont le bleu avec des nuances différentes et la couleur de la chair. Ainsi que le gris dégradé, accompagné de blanc et de rouge sur le côté de la calligraphie arabe. Le tableau est éclairé par la dégradation de la couleur bleue, du foncé au clair, du bas vers le haut. Le côté que nous voyons de la scène est le côté le plus éclairé. Lecture interprétative Est-il possible de dessiner et peindre un sentiment aussi noble, sacré et divin que la maternité ? Comment « l'amour pur » peut-il devenir la parole même de l'artiste dans une œuvre artistique ? La chose la plus difficile dans l'art figuratif ou l'art semi-figuratif c'est le fait d'exprimer les sentiments, alors qu'en est-il d'une peinture qui reflète les sentiments les plus sincères et les plus nobles : l'amour maternel ? L'enfant dans ce tableau est complètement nu, car il représente l'innocence et la vérité absolues. Il est innocent sans le mensonge langagier, transparent sans masque, courageux en dehors des contraintes morales, libre comme l'art, doux comme un rêve, calme comme un ange. L'enfant connaît sa mère instinctivement, c'est l'instinct d'amour. Cet instinct lui permet de rechercher la vie chez sa mère. La recherche du sein correspond à son attachement instinctif à la vie. La relation du nourrisson avec sa mère est naturellement renforcée, presque intuitivement consciente, et une étrange familiarité naît entre eux, qui ne peut être ni séparée ou transcendée. Les tatouages gravés sur le visage de la mère symbolisent sa souffrance, les blessures qui l'ont suivie au fil du temps. Et ici, le bébé essaie d'effacer les blessures profondes de sa mère. Cet amour noble et conditionnel est peut-être le seul qui puisse faire oublier à la mère ses déceptions et ses douleurs. La rencontre entre la nudité de l'enfant et les blessures de la mère est donc un signe de la patience dont la femme fait preuve dans la société. Les vêtements traditionnels de la mère ne renvoient pas seulement à son identité et à ses origines, mais aussi aux contraintes sociales, morales et religieuses imposées chez nous à la femme. Cependant et malgré la tristesse dans les regards de la femme, son visage est rempli de bonheur en embrassant le bébé. C'est sans doute pour cela que l'artiste a choisi des couleurs qui inspirent l'optimisme et la pensée positive. Les dualités auxquelles cette peinture fait référence sont nombreuses, visible et invisible, passé et présent, femmes et société, douleur et espoir. Les éléments de ce tableau sont répartis de manière équilibrée et réfléchie. Ils invitent à une sorte de méditation intelligente, à une conscience philosophique du monde et à une compréhension profonde de la vie. Maternité et espoir Cet amour pur, presque divin, est une fenêtre ouverte sur l'espérance. La nuance du bleu du foncé au clair, est le début de la détente et de la décoloration. L'horizon que la maternité dessine est un espace plus large et ouvert. Alors que l'autre côté, coloré en gris, est entouré de lettres arabes calligraphiées. Il est un espace clos, confirmant l'affiliation de cette mère à un passé arabe qui allie originalité et dureté. La couleur grise est donc une couleur qui symbolise la neutralité. Le carré rouge qui se colle sur la couleur grise est l'amour qui flotte à la surface de la neutralité sociale. C'est la bougie que chaque mère allume dans son champ. La maternité n'a pas de nationalité spécifique, c'est un sentiment inconditionnel, noble, saint et divin. Par conséquent, l'artiste exprime la maternité dans ses dimensions humaines et universelles. La maternité peut également transcender l'homme pour inclure chaque être vivant. Dans chaque vie, un sentiment sincère de maternité est assuré. Faouzia Dhifallah