Ahmed est un jeune médecin résident, spécialiste en anesthésie et réanimation, suit des cours d'allemand. Tout comme plusieurs de ses pairs, il compte partir en Allemagne juste à la fin de sa spécialité. « Je voudrais avoir une expérience dans un pays développé où toutes les conditions sont réunies pour bien accomplir son travail » dit-il. Il se plaint du manque de matériel dans nos hôpitaux et même du manque d'encadrement. En fait, les internes et les résidents doivent être encadrés et formés par les chefs de service dans les hôpitaux publiques et ce durant les deux ans d'internat, puis pendant quatre années pour les spécialités médicales et cinq années pour les spécialités chirurgicales. Cependant, les services sont parfois désertés de leurs chefs. En effet ces derniers ont la faveur d'exercer une activité privée complémentaire ( APC ). Ils ont ainsi le droit de faire des consultations privés deux après-midi par semaines, mais pour nombre d'entre eux, c'est souvent tous les après-midis. Du coup, les internes et les résidents se trouvent seuls parfois devant des cas critiques où il faut prendre une décision sur le champ. Face à de telles situations, ces jeunes médecins se sentent coincés et obligés de prendre des responsabilités qu'ils ne sont pas censés prendre. Vers l'Allemagne et la France Ahmed a visé l'Allemagne pour faire sa carrière tout comme une grande partie de ses pairs qui se sont aussi inscrits à des cours d'Allemand. D'autres, comptent passer le concours d'équivalence français. L'Allemagne et la France étant les deux destinations privilégiées de nos jeunes médecins. Malgré son intense sélectivité, chaque année les médecins tunisiens ont la part du lion dans le concours d'équivalence français et prennent même les premiers rangs. En 2017, les candidats tunisiens ont décroché 20 postes dans ce concours. Et si ça reflète quelque chose, c'est que la qualité de formation aussi bien théorique que pratique de nos jeunes médecins est appréciée à sa juste valeur. Une formation qui durent 11 à 12 ans ; à savoir cinq années en faculté, 2 ans d'internat et 4 ou 5 années de spécialité. En effet, après cinq années d'études entre amphi et hôpital, les étudiants en médecine passent la période la plus pénible de leur vie qu'est l'internat, où ils sont censés faire tout sauf le travail d'un médecin ! « On passe notre temps à amener et à apporter des bilans, moi-même j'étais obligé un jour de conduire une ambulance pour emmener un patient en urgence, en l'absence du chauffeur ! ». Un rythme infernal que vit l'interne ou le résident qui n'est pas à son tour dans une position plus confortable. Des gardes à couper le souffle qui durent des fois plus que 48 heures, sans repos compensateur. Une situation fragile des internes et des résidents sans aucun texte juridique fixant leurs droits et devoirs ; ce qui les rend coupables devant la moindre faute médicale. Le service national Le service national est toute une autre histoire dont ils souffrent et qui les poussent à quitter le pays. En effet, le gouvernement impose aux jeunes médecins à la fin de leur spécialité de passer une année obligatoire dans les régions de l'intérieur du pays. « Ce n'est point une question de patriotisme comme le clame certains, on aime tous notre pays, mais on ne peut jamais exercer dans des régions où le minimum des conditions de travail n'existent pas ! Le travail d'un médecin ne consiste pas à donner des conseils ! » nous affirme un jeune résident d'un air nerveux... Un énorme manque de matériel, une infrastructure défectueuse et un manque flagrant de chefs service à l'intérieur du pays ou dans les régions dites « défavorisées », tout ça n'encourage point les jeunes médecins pleins d'énergie et déterminés à exercer leur travail comme ils le souhaitent vraiment... Dans les années 50, 60 et même 70 des bacheliers quittaient le pays pour aller étudier la médecine en Europe et spécialement en France. Ils revenaient ensuite au pays pour y exercer et faire valoir leurs savoir-faire. Aujourd'hui notre pays vit une véritable tragédie qu'est la fuite des élites formées à coup de milliers de dinars pour aller ensuite participer au développement des pays étrangers ! On ne peut leur en vouloir tant les entraves qui les bloquent sont nombreuses. Au final à qui incombe la faute ?