La crise n'a que trop duré ! Six ans de délabrement général, où on aura tout expérimenté, de la révolution anarchiste à la révolution islamiste pour finir dans l'impasse des finances publiques asséchées et des investissements dos au mur avec fuite de capitaux, de savoir faire, exode des hommes d'affaires tunisiens et étrangers et un marasme général qui a touché au cœur l'initiative et le goût d'entreprendre. Six ans de mobilisation intense des organisations sociales et de la société civile pour fructifier non pas le développement et la croissance mais les dividendes de la pauvreté, où l'on est acculé à partager les désillusions au nom de la liberté acquise et la décroissance économique au nom de la justice sociale. Tout cela, pourtant, aurait pu être fait dans le raisonnable et le pragmatisme. Revendiquer, sans bloquer la machine productive, réformer les instruments et les lois pour plus de justice fiscale, mais sans faire de l'impôt une punition des corps de métiers de libre pratique et une pénalisation de la réussite, du savoir-faire et du travail laborieux. On a plutôt préféré la stratégie du bulldozer social et politique, qui détruit mais ne bâtit pas, avec une pression et un harcèlement jamais plus aussi étalé sur une période relativement longue de six ans, et qui a mis finalement K.O toute l'économie, coupant l'appétit de la promotion des investissements. Quelqu'un parmi mes vieux amis des années 60, grand militant et résistant de gauche, Si Salah Zghidi, m'a reproché ma critique, quelque part, un peu sévère des syndicats et des partis de gauche et j'en conviens ! Mais je l'ai fait sciemment pour essayer selon les modestes moyens d'une plume agacée, de pousser ces mêmes syndicats et ces partis politiques de gauche, qui étaient ma première famille politique, depuis que j'étais étudiant, en 1964, à rectifier le tir, car leur stratégie n'a fait que rendre le pouvoir actuel et surtout BCE et les gouvernements Essid et Chahed, dépendant du soutien et du bon vouloir de Ennahdha et des islamistes, en général. Ceci est parfaitement perceptible au vu de l'équation nouvelle de fin 2014, qui a remis à flot la modernisation et le modèle d'une social-démocratie tunisienne libérale et sociale avec cette synthèse dont je parle souvent et qui a fait l'heureuse alliance « Bourguiba-Hached ». Certes, l'UGTT a joué un rôle central dans le changement politique de 2010-2011 et des deux années plutôt avec le mouvement du bassin minier. Puis elle a joué un rôle moteur dans la canalisation de la contestation sociale, les trois premières années de la révolution, avec un soutien politique énorme à la modernisation contre l'obscurantisme et la poussée salafiste, puis terroriste. Elle a aussi obtenu bon nombre de satisfactions et des augmentations de salaires, le tout couronné par une part active dans le dialogue et le consensus national et le Prix Nobel de la Paix 2015. Mais, à partir de fin 2014, nous avons vécu une sorte d'écharnement excessif qui a pratiquement imposé l'action des gouvernements, Habib Essid qui a fini par jeter l'éponge, puis maintenant avec son successeur, Youssef Chahed qui est au four et au moulin à faire face à une situation très peu enviable au niveau des finances publiques et tout ce qui s'en suit. Mieux encore, je pose sincèrement une question à l'UGTT, où veut-on aller avec ces « grèves générales » annoncées pour le 8 décembre dans la fonction publique et puis après dans le secteur privé ?! Faire pression sur le gouvernement, ça peut s'entendre, mais choisir la proximité du 29-30 novembre, date de la Conférence internationale sur l'investissement, réunie par miracle et après tant d'efforts, pour annoncer ces grèves, avouons-là que l'UGTT en fait un peu trop ! Comment, aussi, ne pas réagir à cette campagne qui a failli allumer le monde scolaire pour « dégager » un ministre de plus en plus gênant et rejeté par les syndicats professionnels des enseignants ! Heureusement que les vacances scolaires d'une semaine sont venues apaiser les ardeurs de tout bord... mais ce n'est qu'une accalmie ! En bref, j'estime, pour ma part, que la Tunisie a beaucoup mieux et plus à faire que d'avoir un gouvernement qui n'a de vocation que de gérer les humeurs de la place Mohamed Ali à longueur de semaines, de mois et d'années ! Il faut réellement mettre fin aux atermoiements du gouvernement avec l'UGTT et donner de bon cœur ce qu'on a décidé même sous la pression, d'une part, il faut que l'UGTT se décide réellement à coopérer et jouer la paix sociale globale y compris avec le secteur privé, d'autre part. Cette guéguerre à distance et ce bras de fer Abassi-Bouchamaoui, UGTT-UTICA, Belgacem Ayari-Khelil El Ghariani, doit être canalisée pour une approche de réelle solidarité et de coopération entre le monde du travail et le monde des affaires et de la production. Et comme le dit le dicton populaire : « Idha Wakelt chabaâ ; Widha dhrabet ouajaâ » ! La Tunisie en a marre de cette crise sociale persistance et mal gérée de part et d'autre et les Tunisiens vivent une lassitude et une démobilisation plus que malsaine et une angoisse permanent. Pour conclure, positivement, et avec un certain optimisme, saluons l'initiative du chef de l'Etat, M. Béji Caïd Essebsi, pour booster et relancer le développement régional. Les hommes d'affaires tunisiens ont enfin compris qu'il faut mettre la main à la patte et vont investir 1500 millions de dinars dans des projets de la Tunisie profonde et de la dorsale Ouest du Nord au Sud. C'est très encourageant et nous espérons l'effet boule de neige. Déjà une autre bonne nouvelle, la relance du Port financier de Raoued, un projet global de 6,5 milliards de dinars à El Hessyiane (délégation de Kalaât El Andalous), gouvernorat de l'Ariana, après avoir campé au « frigo » de la haute bureaucratie depuis plus de 10 ans... mais il n'est jamais trop tard et c'est au gouvernement de décongeler maintenant toute la rétention bureaucratique et toutes ces directives du « Non... mais » ! Enfin, la Conférence internationale de l'investissement et de tous les espoirs est fin prête pour réengager la Tunisie à l'horizon proche de 2020, sur les rails du progrès et de l'espoir. Le ministre F.Abdelkefi va mettre sur le tapis de la conférence 140 projets pour 68 milliards de dinars, de quoi bien exciter bon nombre d'amis de la Tunisie, du monde entier, et les encourager à participer à cette nouvelle grande aventure de la Tunisie démocratique et libérale. Ça fait très longtemps que je n'ai pas été aussi heureux... ! Alors, célébrons... La Tunisie qui a soif de renaître et de vivre... Elle se relève ! K.G