Les indicateurs diffusés par l'autorité de tutelle elle-même ne laissent aucun doute sur la gravité de la situation et le risque d'écoulement... Après le blocage politique sur lequel a débouché le dialogue national, le pays risque à nouveau de s'engouffrer dans une spirale infernale avec au menu des protestations sociales qui risquent d'être chèrement payées par tous les Tunisiens. Le coût économique de la crise politique revient ainsi en première ligne de l'actualité nationale, surtout après la mise en garde du gouverneur de la Banque centrale et les inquiétudes réitérées par la présidente du patronat. Les deux responsables sont suffisamment éloignés du tiraillement entre la Troïka au pouvoir et l'opposition, qui persévère dans son refus, pour être écoutés comme des témoins crédibles de la dégradation de la situation, et ce, malgré une attitude sur la défensive prétendant que la situation économique n'est pas si catastrophique que ne le laissent entendre certains acteurs. Pourtant, les chiffres diffusés par l'autorité de tutelle elle-même ne laissent aucun doute sur la gravité de la situation et le risque d'écoulement. Il suffit de se rendre compte, à juste titre, que le déficit budgétaire a atteint des niveaux historiques (7,5%), que l'inflation continue de s'enflammer (6%), que l'endettement extérieur continue d'augmenter (4,8%). Cela, sans pour autant enregistrer une reprise significative que ce soit au niveau des recettes touristiques ou des investissements étrangers, ni même au niveau de la création d'emplois. Il ne faut pas également oublier la dévaluation continue de la monnaie nationale et la dégradation de plus en plus rapide du pouvoir d'achat. Cela, sans compter aussi les montants effrayants consacrés à la compensation des denrées de base, 5,5 milliards de dinars, ni le volume des augmentations salariales, 3 milliards de dinars. Il y a de quoi s'inquiéter, donc, sur l'avenir de l'économie du pays et par quels moyens son rebondissement serait assuré ? Gestion de la crise Il est évident que l'actuel gouvernement n'assume pas seul la responsabilité d'une telle situation. La crise avait commencé, au fait, depuis 2008, bien avant le soulèvement. Cependant, ce qui inquiète le plus les investisseurs c'est plutôt la manière avec laquelle cette crise est gérée. D'abord au niveau de l'action : plusieurs salariés du secteur public ont vu leurs salaires augmenter sans que cela ne soit justifié au niveau de la valeur ajoutée. Des centaines, voire des milliers de personnes ont été recrutées (dans le cadre de la justice transitionnelle) sans pour autant qu'il n'existe un vrai besoin ni même que cela ne soit justifié par la compétence. Résultat : alourdissement du budget de l'Etat sans retombée sur le développement. Dans le secteur privé, les revendications salariales se sont traduites par la fermeture de plusieurs entreprises. Des emplois sont perdus au lieu d'en créer de nouveaux. Deuxièmement, au niveau du discours : la communication économique a fait défaut quant à la sensibilisation des citoyens à ne pas alourdir leurs budgets et à l'obligation de faire des économies compte tenu de la difficulté économique du pays. Il fallait en outre donner l'exemple par l'adoption de mesures d'austérité, à commencer par le sommet de l'Etat. C'est l'essence même d'une récente déclaration de M. Chédly Ayari, gouverneur de la BCT, accordée au journal «Achark Al Awsat» dans laquelle il appelle à une ou deux années d'austérité afin de pouvoir sortir de la crise. Troisièmement, par son attitude actuelle, le gouvernement actuel et les partis auxquels il est adossé ne parviennent toujours pas à émettre des signaux positifs vis-à-vis des partenaires économiques de la Tunisie, ne serait-ce que par la persistance d'une crise politique aiguë et dont les conséquences économiques, sociales et par là-même politiques ne peuvent être que désastreuses.