On a cru longtemps que cela s'apparentait à de la science-fiction, et que cela n'avait cours que dans les séries télévisées. Et pourtant, la télémédecine a un riche passé en Tunisie où elle a su, un temps, faire ses preuves. C'était en 1996 : dans le monde, la télémédecine était devenue un outil indispensable pour rapprocher les soins des patients, leur éviter des déplacements inutiles, et leur assurer, en cas de nécessité, une surveillance médicale à distance. La première expérience de liaison de télémédecine avait lieu pour la première fois cette année-là en Tunisie, et cette même année, le ministère de la Santé publique optait pour son introduction comme outil de travail dans les établissements publics de la santé. Dans la foulée, la Société tunisienne de télémédecine et e-santé voyait le jour. La science-fiction rejoignait la réalité, et la Tunisie entrait de plain-pied dans la médecine de demain. Si nous n'étions pas les premiers dans le monde arabe, l'Arabie Saoudite nous ayant précédé, nous ouvrions la voie aux autres, la Jordanie, l'Egypte, le Maroc et l'Algérie ayant rapidement suivi notre exemple. En Tunisie, cependant, 23 stations ont été installées dans différents hôpitaux publics, et ont fonctionné plus ou moins régulièrement. Elles étaient situées dans 9 hôpitaux principaux, 5 centres ou instituts spécialisés, et 6 hôpitaux régionaux. Et étaient en liaison avec des hôpitaux étrangers comme ceux de Nice, Marseille, Toulouse et Rome. Et puis, pour plusieurs raisons, dont la vétusté des équipements, les difficultés matérielles, l'essoufflement de l'enthousiasme, et surtout l'absence d'une stratégie à l'échelle nationale, la situation s'est dégradée, et la télémédecine reléguée au rang de beau souvenir. Et pourtant, ceux qui y croyaient continuent d'y croire, et récemment, la Société Tunisienne de Télémédecine et d'e-santé tenait une réunion d'information. Il s'agissait de relancer l'idée de l'opportunité de la télémédecine. On aura beau jeu de dire que, dans l'état actuel des choses, cela n'est guère une priorité. Et pourtant, il est vrai aussi que c'est en temps de crise que cette méthode permettra de résoudre de nombreux problèmes : le premier d'entre eux étant de résoudre le désenclavement des régions et le déséquilibre de la répartition des médecins. La télémédecine permettant de faire parvenir les soins aux malades sans déplacement de médecin. Imaginez, à Gafsa, ou à Jendouba, un malade ayant besoin d'un scanner. Il y a un scanner, mais pas de médecin spécialiste du scanner. Il suffirait d'envoyer les images par télémédecine à un spécialiste à Tunis, ou à Sfax, qui verra les images et renverra son rapport. De même que cela peut être utilisé pour la lecture de lames de biopsie, ou qu'un jeune chirurgien pourra se faire assister par un médecin plus compétent, et parfaire ainsi sa formation. Pour donner un exemple de ce genre de collaboration, à Sarajevo, pendant la guerre, des équipes italiennes aidaient, par télémédecine, les médecins locaux. Nous ne sommes pas en guerre, grâce à Dieu, mais l'on se propose de créer un réseau national de façon à ce que lorsqu'un médecin d'une région défavorisée a besoin d'aide, on puisse l'orienter vers la personne la plus proche et la plus adaptée. Pour donner encore un exemple concret, imaginons un malade cardiaque à Kerkennah. En cas de crise, il faut soit attendre le batah, soit envoyer un hélicoptère. Alors que le cardiologue pourrait envoyer son électrocardiogramme par télémédecine à un service universitaire qui pourrait se prononcer sur l'opportunité de transfert, ce qui limiterait les frais à la stricte nécessité. Autres avantages de la télémédecine : elle permettrait à des étrangers venus prendre leur retraite au soleil de se faire suivre par leur médecin traitant dans leur pays d'origine. On peut également envisager, parmi les nombreuses possibilités qu'offre cette technique, d'exporter des soins et des services médicaux : c'est ainsi que des radiologues de Moscou travaillent pour des hôpitaux américains : ils assurent les gardes à moindre coût puisque quand il fait nuit à New York, il fait jour à Moscou, et que les tarifs de garde sont donc bien moins élevés. Les potentialités de la télémédecine sont donc énormes, et il serait dommage de ne pas les utiliser. Le ministère de la Santé, contacté à nouveau par l'Association Tunisienne de Télémédecine et e-santé, ainsi que le ministère des Technologies de l'information et de la Communication semblent en être convaincus, et ont affirmé leur volonté de relancer la télémédecine en Tunisie. Bien sûr, de nombreux problèmes restent à résoudre, tels celui de la responsabilité, ou de la rémunération : qui, du prescripteur ou du médecin consulté est responsable, et qui doit être payé ? Mais l'essentiel, n'est-ce pas, est de vouloir.