Du 1er au 30 novembre prochain, le public pourra voir le trésor des Ben Ali, Trabelsi et familles alliées. Des bolides d'exception. Des pièces de collection. Reportage à l'Aouina, sur les lieux où sont garés aujourd'hui les bijoux de la mécanique de l'ex-famille au pouvoir Une Aston Martin, une Rolls Royce, une Lamborghini, des Cadillac, des Porsche, des Land Rover, des Hummer, des Ferrari, des Nissan, des Mercedes et des BMW haut de gamme... Le spectacle est impressionnant! Sur cette tranche de piste d'atterrissage à l'Aouina, sur la route de La Marsa, extrêmement bien gardée d'un côté par la garde nationale et de l'autre par l'armée brillent sous le soleil de plomb d'un été qui joue les prolongations des bolides d'exception, flamboyants, classés parmi les véhicules les plus onéreux et les plus luxueux au monde. Ils appartenaient tous aux familles Ben Ali, Trabelsi et alliées. Il fallait qu'on les voie ! Il fallait qu'on les reconnaisse ! Il fallait qu'on les envie ! D'où cette course effrénée à l'acquisition de vrais bijoux de la mécanique. Depuis le mois de février 2012, Mohamed Lassaâd Hmaied, membre de la Commission de gestion et d'exploitation du patrimoine et des biens confisqués au profit de l'Etat tunisien, travaille jour et nuit pour continuer l'investigation et la récupération de véhicules encore cachés dans des parkings souterrains au Lac, jetés dans les champs au Sahel ou déguisés, via des immatriculations étrangères, en voitures libyennes. Mission difficile Sa mission, à laquelle il s'attelle bénévolement, «pour l'amour du pays», dit-il, consiste également à rétablir la traçabilité des voitures, à les entretenir et à les maintenir en état de marche. Mais pour ce banquier, spécialiste de commerce international et diplômé de l'Institut européen de vente, la coordination de ce projet s'est révélée aventureuse et pleine de péripéties. «C'est ahurissant comme le clan Ben Ali pouvait baigner dans la corruption. Avec la complicité d'agents de la douane et de la police, des coupés valant plusieurs milliers d'euros sont entrés en Tunisie dans l'anonymat des containers ou sous le régime FCR pour ne pas payer le moindre millime de frais de douane. Leurs cartes grises ont été évidemment falsifiées. D'autres voitures, probablement volées, ont été retrouvées sans plaques d'immatriculation», témoigne Mohamed Lassaâd Hmaied. L'homme continue à recevoir des menaces provenant des derniers fidèles des Trabelsi, les mafieux de service de l'ex-famille au pouvoir jusqu'au 14 janvier 2011. Souvent, quand il part à la chasse de voitures «suspectes» signalées dans un coin de la République par les forces de l'ordre ou les citoyens, il préfère changer d'itinéraire à la dernière minute... Si la Commission a vendu jusqu'ici une trentaine de véhicules utilitaires, 140 autres, entre bolides super luxe, petites cylindrées, camions, camionnettes, une caravane, des motos et des jet ski, sont actuellement garés au parking de l'Aouina. Un parc estimé à près de 30 millions de dinars ! Séries limitées, véhicules customisés La valeur de certains des prototypes alignés à ciel ouvert à l'Aouina, tels des félins au repos, réside dans le fait qu'ils ont été fabriqués en séries limitées. Exemple la Rolls Royce Silver Spur II de Nesrine Ben Ali, qu'elle a reçue à l'âge de 6 ans des mains d'un émir saoudien. Extrêmement bien conservée, elle n'a roulé que 2.000 km. Parmi les pépites de son garage, Lassaâd Hmaied compte la Lamborghini Gallardo blanche d'Islam Mahjoub, le fils de Jalila Trabelsi, la Cadillac My Princess semi-blindée, ornée à l'intérieur des emblèmes de la Tunisie, offerte par Sakhr El Materi à sa femme Nesrine, la Mercedes CL 600 gris bleu de Leila Trabelsi Ben Ali, fabriquée à la main et qu'elle sortait à Hammamet, la Mercedes noire S 500 était destinée aux visites de Leila à sa mère au cimetière de Tunis. Toutes ces voitures à la technologie intelligente, décapotables ou au toit ouvrant, dont les sièges se transforment en machines à massage, se distinguent à l'intérieur par des matériaux d'un raffinement extrême. Confectionnés en chevreau, les spacieux salons sont ornés de bois de rose. Mais le vrai bijou de la collection, selon l'expert, est bien l'Aston Martin Vanquish S de Sakhr El Materi, que le gendre du président déchu chérissait plus que tout. Acquise en Grande-Bretagne, en 2010 à 800.000 euros, elle représente un prototype unique. La Vanquish S, une des voitures les plus rapides actuellement, a été dédicacée à son propriétaire. Sur quatre plaques en argent massif, on lit : Handbuilt in England for Monsieur El Materi (construite à la main en Angleterre pour M. El Materi). De nombreuses propositions d'aficionados de voitures de luxe sont déjà parvenues sur les bureaux du ministère des Finances. L'avion du président de Ferrari a atterri il y a quelque temps sur la piste de l'aéroport de l'Aouina. M. Todd était venu en visite éclair de prospection. D'autres collectionneurs, des princes omanais, des milliardaires d'Afrique du Sud et des hommes de l'entourage du roi du Maroc (connu pour son amour des bolides rares) ont exprimé leur intérêt pour les véhicules de la Famille. «Nous ne ferons pas de ventes aux enchères. La meilleure formule dans ces cas-là est de recevoir des demandes d'acquisition sous pli fermé et de vendre aux plus offrants», affirme M. Hmaied. En attendant l'organisation de la grande exposition où le trésor des Ben Ali et Trabelsi (25 coupés de luxe, bijoux, mobilier...) sera présenté au public du 1er au 30 novembre prochain, au Casino de Gammarth, les Porsche, Land Rover et autres limousines continuent à se prélasser sous le soleil brûlant du mois d'octobre... Reportage photos A .BELAID