En grève de la faim depuis quelques jours, les journalistes rencontrés, hier, au siège de Dar Assabah comptent poursuivre leur «combat de la liberté et de la dignité» jusqu'à la dernière heure et la dernière minute. Pour eux, c'est une question vitale et celui qui déroge à ces principes n'est pas digne de sa plume. Libre parole et liberté de penser, c'est tout ce qu'ils veulent. Monia Arfaoui, journaliste au quotidien Assabah abonde dans ce sens: «Contrairement à ce qu'on a rapporté, notre grève de la faim intervient dans le cadre de tout un mouvement de protestation contre la nomination d'une persona non grata à la tête de la maison. Après diverses formes de protestation qui n'ont pas abouti, nous nous sommes trouvés devant ce choix résumant à lui seul l'intensité d'un drame devenu national pour finalement intéresser une partie de la communauté nationale. Mais que voulez-vous que nous fassions après avoir adressé, vainement, des réclamations au président de la République provisoire, à la présidence du gouvernement et à l'Assemblée nationale constituante? Cela fait 37 jours que nous sommes en sit-in ouvert sans pourtant qu'il y ait eu un quelconque changement». La journaliste sur un matelas à même le sol à côté de trois collègues, à l'entrée de l'entreprise, se livre encore à gorge déployée refusant de courber l'échine devant une faim qui dure : «Ce directeur général que le gouvernement cherche à imposer par la force est fidèle à sa propre image. Aujourd'hui, il cherche à faire croire aux gens que notre combat est un combat d'intérêt pour la régularisation de la situation professionnelle de quelques collègues qui exercent encore sans contrats d'engagement. Ce qui n'est pas du tout vrai. Car nos revendications sont plutôt d'ordre moral et éthique. Il n'en demeure pas moins légitime de demander la régularisation de la situation professionnelle de certains collègues dont le dernier embauché exerce au sein de l'entreprise depuis trois ans. Le reste de nos revendication professionnelles et sociales a été formulé dans la motion professionnelle parue dernièrement sur les colonnes des deux journaux. Au nom de tous mes collègues en grève de la faim depuis quelques jours (8 journalistes) je tiens à vous informer que notre mouvement de protestation a atteint son point culminant. Autrement dit, point de négociation avant le limogeage de Lotfi Touati». Hamdi Mazhoudi, journaliste au quotidien Le Temps, n'était pas non plus dans un état physique meilleur que celui de sa collègue. En grève de la faim avec d'autres collègues depuis des journées entières, lui aussi, il est d'avis qu'une presse libre, une presse qui soit perçue comme un véritable quatrième pouvoir. «Notre combat est celui de tous les confrères et consœurs. Ceux-ci ont tous les mêmes revendications. Sauf que chez nous l'audace de dire les choses n'a pas manqué. D'ici, j'appelle tous les collègues à ne point perdre de vue que leurs plumes constituent un pouvoir à part entière. Un pouvoir qui ne dépend de personne. D'où la nécessité de ne plus jouer le jeu de ceux qui ne font que pêcher en eaux troubles», a-t-il fait valoir. Contacté par téléphone, le nouveau directeur général de Dar Assabah a livré sa propre version des faits. Il affirme notamment que les grévistes ont entamé leur action revendicative lundi dernier, sachant que les contrats des journalistes grévistes ont pris fin le week-end précédent. Pour ce qui est de son limogeage énergiquement réclamé par les grévistes, M. Lotfi Touati avance que cette décision relève exclusivement des attributions de la tutelle, à savoir le Premier ministère. La publicité publique, ce n'est pas de l'aumône La grève de la faim observée par les journalistes du quotidien «Assour» semble avoir, elle, d'autres motivations. Là-bas, on réclame une part de la publicité publique, sans pour autant être contraint de servir une partie donnée. Comme le fait remarquer M. Ezzeddine Zebidi, rédacteur en chef du journal, revendiquer une part de la publicité publique est un droit garanti par la loi. «Suite à l'épuisement de tous les recours, le personnel du journal a opté pour la grève de la faim pour revendiquer ce qui lui revient de droit: une part de la publicité publique. Un choix intervenant après des sit-in organisés devant le siège de l'Assemblée nationale constituante et devant le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle. Mais, ils ont constamment composé avec nous dans l'indifférence totale . Ce qui contraste non seulement avec les principes des rapports humains, mais aussi avec les lois en vigueur. Nos difficultés financières sont de plus en plus pesantes. D'ailleurs, le journal est aujourd'hui édité en 24 pages après avoir été en 32. Toutefois, nous poursuivons le combat, forts en cela de notre détermination à fournir une matière médiatique impartiale et objective». M. Zebidi note également que si la première grève de la faim était levée suite à l'intervention d'une équipe médicale, celle-ci se poursuivra sans arrêt jusqu'à la réalisation d'un objectif qu'il qualifie de légitime, pour un journal employant près de 60 personnes.