Malgré leurs nombreuses années d'ancienneté, les demandes déposées par des enseignants dans le cadre du mouvement de mutation pour le rapprochement des conjoints n'ont toujours pas reçu de réponse positive. Cette rentrée laissera encore une fois un goût amer aux nombreux enseignants et enseignantes dont la demande de mutation dans le cadre du rapprochement des conjoints n'a toujours pas été approuvée par le ministère de l'Education nationale. La fin de l'été vient sonner le glas des rares moments que ces derniers, vivant loin de leur foyer, ont pu passer en famille. Quelques jours avant le jour J, chacun d'entre eux devra regagner le gouvernorat où il enseigne, laissant derrière lui famille, enfants, amis pour vivre la rentrée en solitaire. L'instabilité qui en découle est très mal supportée par ces enseignants qui , chaque année, déposent des demandes de rapprochement de conjoint lors des mouvements organisés par le ministère, afin de pouvoir rejoindre leur conjoint et leurs enfants. Bien que les critères aient été clairement établis — la demande est approuvée en fonction du score, de l'ancienneté, de la note pédagogique, de la note administrative, de l'éloignement...— les sessions de mutations pour le rapprochement des conjoints ne se sont pas toujours déroulées dans la transparence. En effet, d'après plusieurs témoignages, des enseignants ont eu recours à des interventions et des pots-de-vin pour obtenir le poste qu'ils désirent. Afin d'éviter le scandale que pourrait provoquer de tels dépassements, les dossiers de ces enseignants ont été classés cas sociaux. Ceux qui comptent de nombreuses années d'ancienneté derrière eux et qui ont déposé leur demande dans les règles sans recourir à aucune intervention attendent toujours d'être mutés. En vain. Les frustrations se sont accumulées et l'incertitude face à l'avenir ont eu raison de leur patience. Ces derniers ont fini par céder au ras-le-bol. Ras-le-bol des enseignants Des enseignants d'arts plastiques, originaires de Sfax et qui exercent depuis de nombreuses années dans d'autres gouvernorats, ont manifesté le 30 août dernier devant le ministère de l'Education nationale. Pour Dorra, enseignante depuis seize ans dans un des collèges de la délégation de Rgeb, la situation ne peut plus durer. «Mon mari est fils unique et il a des parents invalides qui ont besoin de son assistance. Nous sommes obligés de faire chaque semaine la navette entre Sidi Bouzid et Sfax. Nous avons un enfant de dix ans qui a du mal à supporter cette situation. Alors qu'il devrait se reposer et réviser ses cours pendant le week-end, il est obligé de faire la navette avec nous. Cela le fatigue et le met sur ses nerfs. C'est également épuisant et éprouvant pour nous. Comme nous avons le droit de déposer chaque année une demande, mon mari et moi en avons déposé plusieurs pour être mutés dans l'une des délégations de Sfax. Nous n'avons obtenu aucune réponse positive. Depuis plus de six ans, aucun poste dans la spécialité arts plastiques n'a été ouvert. Il y a une saturation au niveau du gouvernorat de Sfax car de nombreux enseignants ont été mutés là-bas, soit en versant des pots-de-vin ou en ayant eu recours à des interventions». Chaque année, la rentrée s'apparente à un cauchemar pour Narjess, enseignante d'arts plastiques dans un collège de Sidi Ali Ben Aoun, une délégation où elle vit depuis plus de dix ans. Cette jeune femme qui présente, chaque année, une demande de mutation dans le cadre du rapprochement de conjoints, souffre de devoir se séparer de ses filles à chaque rentrée scolaire. «Mon mari enseigne à Sfax . Nous avons fait le choix de scolariser nos filles là-bas. C'est une situation qui est très pénible à vivre car depuis des années, je ne les vois qu'une fois par semaine au cours de l'année scolaire. Je ne suis pas là le jour de la rentrée scolaire. Je ne suis pas là non plus là lorsqu'elles passent leurs examens et qu'elles ont besoin de moi et lorsqu'elles reçoivent leurs bulletins scolaires. C'est une situation qui m'affecte beaucoup psychologiquement ». Les mutations se déroulent dans le flou Enseignant de sciences naturelles depuis seize ans dans un collège de Rgeb, Lassaâd H. reproche l'absence de transparence qui entache les mouvements de mutations et de rapprochement de conjoints. «Les mutations ont toujours eu lieu dans le flou. On ne sait pas quel score exact il faut avoir pour pouvoir être muté. A chaque session, il faut établir et rendre public la liste des postes qui ont été ouverts dans les gouvernorats ainsi que la liste des enseignants qui attendent d'être mutés et qui sont classés suivant leur score et par ordre de priorité». Hatem Bahloul, enseignant, depuis quatorze ans dans la délégation d'Om Laarayess, «dans la même salle de classe», fait partie des 150 signataires de la pétition qui a été présentée jeudi dernier au ministre de l'Education nationale. Le jeune homme, qui a déposé plusieurs demandes, pour être muté auprès de sa femme et ses filles, a appris à l'instar de ses collègues, que 1.500 nouveaux professeurs allaient être recrutés par voie de concours et que certains d'entre eux allaient être directement mutés à Sfax ce qui a soulevé sa colère. «Cela fait des années que nous voulons être mutés dans le gouvernorat de Sfax. Nos demandes ont été refusées. Aujourd'hui, nous apprenons que de jeunes enseignants débutants vont être directement mutés dans le gouvernorat de Sfax alors que cela fait des années que nous attendons. Nos dossiers doivent être examinés en priorité. Nous avons des familles et nous sommes pour la plupart d'entre nous des cas sociaux. C'est ce que nous avons expliqué au ministre». De son côté, le syndicat de l'enseignement secondaire a, depuis mars dernier, entamé des négociations avec le ministère de l'Education en se mettant d'accord sur certains points : augmenter le nombre de points par année d'ancienneté afin que les enseignants puissent bénéficier d'un meilleur score et publier la liste d'attente des enseignants et leur score ainsi que celle des postes ouverts dans les gouvernorats. Enfin, dans un souci de transparence, le ministère de l'Education nationale a pris également la décision «d'annuler toute mutation au cas où des dépassements sont signalés dans le traitement des dossiers pour le rapprochement des conjoints», a conclu le secrétaire général du syndicat M. Lassaâd Yaacoubi.