Un nouveau décret-loi, qui vient d'être promulgué cette année, vient d'insuffler une nouvelle philosophie à la création des organisations. Jusqu'ici, la procédure de création d'une association était lourde et contraignante. La loi n°59 posait plusieurs conditions, dont celle de soumettre la création d'une association à l'autorisation préalable du ministère de l'Intérieur. Elle a été, par la suite, modifiée par les lois du août 1988 et du 23 avril 1992 qui ont respectivement instauré la procédure de déclaration de l'association et créé une classification des associations selon leurs activités et leurs objectifs. En théorie, cette loi stipulait qu'il suffit d'une simple déclaration, pour que l'association soit créée. En pratique, il fallait bien plus qu'une déclaration pour qu'une association puisse jouir d'une personnalité juridique et démarrer ses activités. Sous l'ancien régime, les associations étaient étroitement contrôlées par le ministère de l'Intérieur. En effet, ce dernier pouvait s'opposer à la création d'une association en se contentant de déclarer que cette dernière est non conforme à la loi sans donner aucune précision sur la raison de ce refus. Par ailleurs, outre le fait qu'il pouvait décider de la fermeture provisoire des locaux d'une association, le ministère de l'Intérieur pouvait demander au tribunal de première instance territorialement compétent de dissoudre une association dont les activités sont totalement contraires aux principes de la loi sur les associations. Outre le fait qu'elles sont passibles de sanctions dans le cas où elles ne se soumettent pas à la loi, l'article 29 stipule, en effet, que toute infraction aux dispositions de la présente loi sera passible d'un emprisonnement allant de un à six mois ou d'une amende de 50 à 500 dinars. Les associations ont, par ailleurs, une marge de liberté limitée pour modifier leurs statuts ou leur règlement intérieur. Le cas échéant, ces dernières doivent remplir des formulaires pour fournir des informations supplémentaires sur les changements apportés au niveau de l'association afin que le ministère de l'Intérieur puisse s'assurer si elles sont conformes à la loi ou pas. Enfin certaines associations n'échappaient pas non plus au contrôle de responsables du pouvoir exécutif qui se permettaient d'assister aux réunions afin d'être constamment au courant des activités de l'organisation. Le nouveau décret qui vient de paraître dans le Jort apporte de profonds changements à la création et à l'organisation des associations. « C'est un décret-loi qui est libéral, a affirmé Mme Salsabil Klibi, enseignante universitaire à l'Institut des sciences juridiques de l'Ariana, lors de la journée d'études organisée récemment sur ce thème.La preuve en est qu'il a consacré le régime de la déclaration et non celui de l'autorisation pour la création des associations. De surcroît, le silence de l'administration, après un délai de trente jours de l'envoi du dossier de création de l'association, signifie que l'association peut être créée. Ce texte ôte à l'administration tout pouvoir discrétionnaire en matière de création des associations ». L'adoption de ce décret va permettre notamment d'alléger la procédure de création d'une association, poursuit Mme Klibi. Pour créer, en effet, une association, le postulant pourra simplement envoyer une demande avec une copie des statuts au secrétaire général du gouvernement. «La date de création de l'association correspond à la date d'envoi du dossier au secrétaire général du gouvernement». L'association acquièrera la personnalité juridique indépendante dès lors que sa création sera annoncée dans le Jort, souligne pour sa part M.Kheireddine Ben Soltane, conseiller juridique. Par ailleurs, en cas de non-respect des dispositions de la loi, elle ne sera plus soumise à des mesures répressives , à l'instar de l'emprisonnement de ses membres. Seul un avertissement sera adressé par le secrétaire général du gouvernement en cas de violation des articles 3 et 4. Quant aux décisions de suspension des activités ou de dissolution de l'association, elles ne pourront être prononcées que par un juge. Membre de deux associations et avocate à la cour de cassation, Maître Henda Ben Rejeb juge, pour sa part qu'il aurait dû y avoir d'abord une évaluation des points forts et des points faibles de l'ancienne loi avant de publier un nouveau décret-loi. «Je pense que ce nouveau décret présente quelques défaillances juridiques. A titre d'exemple, un postulant venant de l'étranger n'a pas besoin de justifier d'où proviennent ses fonds. Un jeune de seize ans peut devenir le président d'une association, alors qu'il n'est pas responsable de ses actes parce qu'il est mineur. Il faut se pencher sur certains de ces points et procéder à une évaluation».