Ma Tunisie que j'aime, où es-tu ? Il y a tout juste quelques semaines, sous les yeux d'un monde admiratif, stupéfait, croulant sous les vivats et les encouragements, le peuple tunisien s'inscrivait dans l'histoire, pour son héroïsme, son unité, son patriotisme et le martyre de ses chers fils. Depuis, que reflète-t-il comme image… grèves, gabegie et démagogie. Que reste-t-il de cette foi, de ce civisme qui soudaient jeunes et moins jeunes vers un avenir de liberté et de joie de vivre ?… Rien que de lamentables pages qui n'en finissent pas. Notre bonheur et allégresse de la délivrance nous ont été spoliés. Seul, à l'étranger, l'écho perdure, loin, très loin, en Chine, à Hong Kong où, à défaut de manifestation autorisée, des mains pieuses ont déposé çà et là des brins de jasmin, parfum de la dignité retrouvée. Face à une économie ébranlée par la corruption et les terribles événements que le pays a vécus, nous nous sommes attelés au travail, plus forts que jamais, afin d'accroître des richesses qui sont désormais les nôtres ! Tout d'abord incrédules puis effondrés, nous avons assisté à une avalanche d'arrêts de travail, de manifestations, d'insubordination… le chaos. A peine balbutiante, la Tunisie s'est vu interdire une marche triomphante, sereine vers un avenir meilleur. Je me permets d'emprunter aujourd'hui la voix de l'écrivain du prolétariat Emile Zola, pour lancer un «j'accuse» envers une organisation nationale respectée, censée représenter les valeurs du travail et dont certains cadres ont bafoué et l'esprit et la lettre. J'accuse et je questionne à la fois l'Ugtt; Farhat Hached et ses nobles positions envers la patrie, Habib Achour, auraient-ils autorisé un tel désordre à ce moment capital de notre pays ? Des enseignants interdisent l'accès des établissements scolaires en dépit de la colère des parents, des avocats délaissent leur devoir sacré dans les tribunaux, des gamins jetés dans les rues… Ni pillages ni débordements n'ont ébranlé les décideurs de ce désordre, pourtant moins prolixes il y a quelques années. L'histoire ne pardonne pas. L'indépendance retrouvée appelait à l'ordre au travail, à la concertation fraternelle, à la renaissance et à la sagesse et non à la poursuite d'un chemin périlleux et débridé. Non au gouvernement provisoire, non au parlement, non à tout. Des élections impossibles dans ce climat d'instabilité et voilà la quadrature du cercle fermée. Qu'importe que les usines ferment, que le tourisme soit catastrophique, que l'économie menace de s'écrouler. Face à cette dictature d'une minorité, face au danger d'un pays à la dérive, la majorité qui souffrait en silence, désespérée, s'est donné à son tour un rendez-vous historique dans la rue. Et je suis fière d'en être, de joindre mon espérance à celle de ces dizaines de milliers qui, à travers toute la Tunisie, redisent leur foi en un avenir de justice et leur immense amour de la patrie, sans égoïsme, sans calculs politiques. Simplement pour cette terre bénie et en reconnaissance envers ses martyrs. S.M. * Journaliste