Face à une liste toujours plus longue des pressions auxquelles s'est soumis, aujourd'hui, le marché du travail dont, particulièrement, l'émergence des nouvelles exigences économiques aux dépens des spécialités à faible employabilité, l'apprentissage professionnel demeure une carte gagnante tant pour les jeunes demandeurs d'emploi que pour les entreprises souvent en quête d'une main-d'œuvre qualifiée. Ce mode d'apprentissage se révèle en mesure de fournir de réelles opportunités d'intégration, d'autant plus qu'il s'effectue intégralement au sein du milieu professionnel. Un stage de deux ans dont la formation se déroule, plus souvent, en dehors des centres relevant de l'Agence tunisienne de formation professionnelle (Atfp). Et le centre sectoriel de formation en bâtiment de Ben Arous en fait partie. Opérationnel depuis les années soixante, ce centre a fait, en 2001, l'objet d'une grande restructuration qui lui a conféré une nouvelle configuration. A raison de quatre heures par semaine dans le centre, en alternance avec l'entreprise, telle est l'approche pédagogique en vigueur qui distingue la formation dite «F0» de celle «F4». Seul le niveau d'instruction qui pourrait faire la différence. Destiné à ceux dont le niveau est en dessous de la neuvième année de base, le premier mode (F0) se fait intégralement dans l'entreprise, sans avoir recours au centre, avec zéro heure de cours. Alors que le deuxième (F4) se déroule également dans l'entreprise, mais à raison de quatre heures par semaine qui doivent avoir lieu au centre. Il concerne spécifiquement les jeunes postulants ayant accompli la neuvième année de base. Comme l'a déjà affirmé M. Kamel Khouja, directeur du centre, cet apprentissage professionnel touche, particulièrement, les jeunes dont le niveau est inférieur ou égal à la neuvième année de base accomplie. Il tire toute sa légitimité d'un contrat de partenariat centre-entreprise. Ala, jovial, à la fleur de l'âge, fait preuve d'une grande force d'âme, étant convaincu que son apprentissage dans un atelier d'électricité auto à «Chouchet Radès» représente un meilleur tremplin pour pouvoir, un jour, s'installer à son propre compte. Des ambitions aussi légitimes pour un jeune optimiste ayant à son actif une expérience professionnelle de presque deux ans dans le domaine. «Je me sens, toujours, porté sur ce métier si passionnant, jusqu'au moment où j'ai intégré, en 2009, le centre de Ben Arous», révèle-t-il, en soulignant qu'il a beaucoup appris, à la faveur du suivi permanent qu'il a trouvé auprès de son chef. En effet, le contrat d'apprentissage signé avec son patron M. Mohamed Salah Ben Khlifa lui a permis de poursuivre un stage en électricité auto, effectué par alternance avec le centre concerné dans le cadre de la formation (F4). En contrepartie, le jeune apprenti bénéficie d'une bagatelle mensuelle qui ne dépasse pas, au meilleur des cas, 60% du Smig, sinon elle varie entre 30 et 40% au total. Une sorte de prime d'encouragement qui lui est accordée en signe de récompense pour ses efforts. «Je me suis habitué à recevoir des jeunes apprentis pour les accompagner jusqu'au bout de leur stage pour en faire — eux aussi — de nouveaux promoteurs employeurs», s'exprime M. Ben Khlifa. Et d'enchaîner sur sa lancée, «Si le besoin de recrutement se fait sentir, je n'hésite pas à le faire. Toutefois, les jeunes apprentis ont, généralement, forte tendance à l'initiative privée ». Une démarche contractuelle réussie A force des réformes successives, l'apprentissage professionnel n'est plus le parent pauvre du dispositif de la formation. Aujourd'hui, il réjouit d'un statut plus avancé suscitant l'intérêt des postulants. Composante intégrée dans la majorité des centres de formation dont celui de Ben Arous, l'apprentissage professionnel présente une large palette des choix touchant diverses spécialités aux perspectives porteuses. Mécanique générale, électricité, construction métallique, art graphique, hôtellerie, commerce, bâtiment et ses dérivés, bois et ameublement, textile, cuir et chaussures sont autant d'activités qui ont affiché, ces dernières années, une demande accrue. Aux dires de M. Khouja, l'on compte, actuellement, un millier d'apprenants dont 831 sont en train de poursuivre une formation (F0), en dehors du centre, auprès de plusieurs entreprises. Alors que le reste, au nombre de 233, bénéficie d'un apprentissage par alternance «F4». A cheval entre les deux. De son côté, Maher, jeune de 22 ans, travaille depuis 2005 dans une entreprise spécialisée en menuiserie aluminium, située à la zone industrielle de Bir El Kasâa, où il a déjà réussi son stage d'apprentissage. «J'y ai été encadré par M. Mongi Ben Ameur, en tant que tuteur, celui qui m'a donné beaucoup de confiance en moi, grâce à son soutien et à ses orientations», se prononce le jeune homme sur une voix timbrée, teintée d'un respect profond à son maître. Car ce dernier n'a pas ménagé aucun effort pour apporter à ses apprentis toute l'assistance requise. «On leur réserve une attention toute particulière et un suivi permanent, tout en étant à l'écoute de leurs préoccupations et difficultés afin de faciliter leur intégration», déclare M. Ben Ameur, se félicitant d'une carrière professionnelle qui remonte bien à 1971. Une expérience pour le moins satisfaisante qui le place, aujourd'hui, au rang d'encadreur au sein de ladite entreprise. Fort impliquée dans cette démarche contractuelle, en partenariat avec le centre de Ben Arous, cette entreprise, comme l'indique son responsable du service personnel, M. Walid El Ghazouani, s'attache à recruter au moins 80 % de ses apprentis en qualité d'ouvriers permanents dans la filière «menuiserie en aluminium». «Actuellement, on est en train de former, dans la même spécialité, quatre jeunes apprentis (F4) issus du centre concerné», a-t-il, encore, affirmé. «Si ces jeunes font preuve d'aptitude professionnelle et d'engagement moral à être à la hauteur de la confiance qui leur a été placée, il n'y aura absolument pas raison de les exclure», a- t-il conclu, sans pour autant cacher sa prédisposition à aller plus loin sur cette voie pour aider ces jeunes à franchir le cap. Un vrai dilemme ! A tort ou à raison, certains chefs d'entreprise ne se montrent pas prêts à engager leurs jeunes stagiaires sous prétexte de ne pas avoir les moyens financiers nécessaires. D'autres le font parfois à contrecœur, avec beaucoup de réticence. Alors que l'Etat n'a pas manqué, à ce niveau, de multiplier les avantages de recrutement et de renforcer les mécanismes de soutien à l'emploi des jeunes dont en particulier l'exonération des cotisations sociales et la prise en charge par l'Etat de 50% du salaire au titre des nouveaux recrutements. Sans pour autant oublier que ces chefs d'entreprise sont eux-mêmes impliqués dans la conception des programmes de la formation professionnelle. C'est là un vrai dilemme qu'il faut surmonter pour relever les mentalités au seuil de la responsabilité sociétale, dans la mesure où les acteurs économiques, chacun à son gré, contribuent aux opérations d'intégration. Une nouvelle culture d'entreprise qui devrait changer les positions prises à l'égard des demandeurs d'emploi. Sur cette lancée, le directeur du centre de Ben Arous n'a pas hésité à mettre le doigt sur certaines failles et lacunes. La question du suivi des apprentis et de leur encadrement par des tuteurs figure en tête de liste. «C'est que l'entreprise ne semble pas prendre les choses au sérieux pour mettre à disposition des tuteurs-encadreurs et que nous, en tant que centre, n'arrivons pas à satisfaire nos apprentis en termes de visites sur le terrain», éclaire M. Khouja. «L'on s'attend à porter la fréquence de ces visites à trois fois par mois», estime M. Mohamed Amine Jday, coordinateur technique de l'apprentissage professionnelle auprès dudit centre. D'où la nécessité de partager les rôles afin que chacun assume ses responsabilités. En fait, la promotion de l'emploi n'est que l'objectif commun de toutes les politiques sectorielles. Autre point délicat qu'il est temps de réviser : la «diplomation» ou la reconnaissance des diplômes. Cela fait allusion à la formation professionnelle «F0», déjà précitée, dont le cursus est sanctionné par l'obtention d'un certificat de fin d'apprentissage. Celui-ci, contrairement à la «F4», ne donne pas droit à continuer la formation aux plus hauts niveaux (CAP, BTP…). Une véritable entrave qui ne manque pas de brider les aspirations et frustrer les bonnes volontés et les initiatives privées. Soucieux de garantir aux jeunes stagiaires une place de choix sur le marché de l'emploi, le centre met le paquet sur le volet quantitatif. Son objectif consiste, en effet, à renverser les tendances. M. Khouja nous a confié qu'il sera procédé à une réduction progressive de l'effectif des stagiaires «F0» au profit de «F4» afin de leur offrir de nouveaux horizons leur permettant d'accéder à des paliers supérieurs et d'améliorer, de la sorte, leurs chances d'insertion dans la vie active.