Pour une fois, la FTF a raison. Elle doit appliquer ces critères de viabilité qui sont bafoués. Même par les clubs professionnels ! Dans une de nos précédentes éditions, nous avions soutenu, que «tout doit changer dans la façon de voir en ce qui concerne l'organisation de notre sport». Et pour être plus explicite, nous avions écrit qu'il n'est plus question de promettre, mais bien d'agir pour remettre en ordre de marche ce sport qui, depuis un bon bout de temps, est livré à lui-même et fonctionne au gré de ceux qui sont parachutés pour le diriger. Aussi bien au niveau des clubs que des fédérations et même à celui de la tutelle, avec des premiers responsables qui sont complètement à côté de la plaque, les problèmes s'amoncellent et personne n'éprouve le besoin de réagir pour redresser la situation. La Fédération tunisienne de football a pris dernièrement la décision de geler les activités de pas moins d'une soixantaine de «clubs». La raison se résume en deux mots : ces «clubs» engagés n'ont pas respecté la législation en vigueur et n'ont pu réunir le minimum de licences exigées (18 !). Une campagne démagogique Le mot n'est pas exagéré. En effet, les dirigeants de ces « clubs gelés ont tout de suite entamé une mobilisation pour mettre en exergue les répercussions de cette décision qui finira, d'après eux, par «priver des milliers» de jeunes des régions concernées du droit de pratiquer leur sport favori. Comment ces dirigeants expliquent-ils alors qu'ils n'ont pu trouver parmi «ces milliers» de jeunes dix-huit d'entre eux pour leur établir des licences et éviter le gel de l'association ? Par ailleurs, il n'est pas dit que ces clubs, qui ne trouvent pas le nombre minimum de pratiquants, sont capables de gérer un club. En effet, on ne peut prétendre faire œuvre utile dans n'importe quelle discipline sportive, sans la mise en place de catégories jeunes (écoles, minimes, cadets, juniors et bien entendu espoirs ou élites et seniors). Pour être plus convaincants, voici ce que coûte un joueur de football : chaussures : entre 119d et 129d, maillot : 45d, short : entre 20 et 30d, chaussettes : 5d, protège-tibias : 35d, sac entre 59 et 70d, survêtement nécessaire par temps froid entre 115 et 129d, tout en sachant que l'on a besoin de plus d'une unité par saison pour certains articles. Faites le compte en multipliant par le minimum de dix-huit joueurs, pour l'engagement et sans prendre en considération les catégories incontournables pour tout club qui se respecte, pour se rendre compte de ce qui devrait être exigé pour avoir sous la main une association sportive. Indépendamment des dépenses concernant l'acquisition du matériel il faudrait penser au personnel d'encadrement pour former ces jeunes, payer les formateurs, assurer les déplacements, progresser, devenir compétitif. Ces «dirigeants» ont-ils les moyens de subvenir à ces besoins financiers impératifs ? Ou se rabattront-ils un de ces jours sur les responsables du coin (moyennant piquets de grèves, pneus brûlés et déclarations intempestives) pour avoir des subventions de fonctionnement ? Où s'entraîneront-elles ? Iront-elles avec leur effectif au rabais bousculer les clubs déjà en place et qui sont parfois à l'étroit, pour avoir un bout de terrain, sans vestiaires, sans douche, sans équipement d'entraînement, sans moyens de transport, etc.? Comment ces jeunes ressentiront-ils le fait d'être à l'étroit, sans le matériel nécessaire, sans entraîneurs compétents? Un peu plus de réalisme Ils prétendent que ces jeunes, faute de pouvoir jouer au football au sein d'une équipe, qu'une poignée de copains a engagée, sur un coup de tête, décision prise sur la terrasse d'un café, sous l'égide de la fédération sans penser à tout ce qui est logistique et financier, risquent d'être livrés à eux-mêmes au point de devenir des… terroristes. C'est trop vite aller en besogne, car ces jeunes engagés sans avoir les moyens qu'ont leurs camarades plus chanceux, parce qu'évoluant dans des équipes capables d'encadrer et de former des jeunes, commenceront par devenir des sujets aigris, déçus, ulcérés qui envieront leurs camarades. La réaction se traduira par des répliques psychologiques et des attitudes que tout éducateur se doit de prévenir. Il est quand même remarquable que des jeunes auxquels on a raconté n'importe quoi sont capables de dévier du droit chemin, à n'importe quel moment. Il y a quand même des familles qui se respectent, une autorité, des lois et des convenances dans ce pays. Il faudrait de ce fait être plus rationnel : ces «dirigeants» devraient se rendre à l'évidence. Les clubs qu'ils se proposent de lancer ne sont pas encore capables de voler de leurs propres ailes. Qu'ils prennent le temps de réunir ce dont ils ont besoin, qu'ils assurent le financement, la logistique, et qu'ils se décident de se lancer une fois ces incontournables conditions assurées. Mais qu'ils se sentent floués parce qu'on les empêche d'être à la tête d'un club démuni de tout, cela tient de la pure démagogie qui dessert le sport et la mission éducative qui devrait être la leur. Choisir une autre activité Ces dirigeants, s'ils tiennent au football, peuvent s'orienter vers le mini-foot (c'est passionnant !) pour commencer. Cela ne demande pas autant de dépenses, de terrains difficiles à trouver et surtout peut servir d'antichambre à une future intégration au football à onze. Il existe heureusement une fédération très active de mini-foot qui pourra les accueillir et au sein de laquelle ils pourront grandir et acquérir de l'expérience. Pour ceux qui l'ignorent, de très grands joueurs qui opèrent actuellement au sein d'équipes de renom en Europe, ont été formés et sont venus du mini-foot. Pour ne citer qu'un seul que nous connaissons bien, c'est Ben Yedder qui actuellement est un des meilleurs attaquants et dont la cote est en continuelle ascension. Autre possibilité, le lancement d'une section qui dépendrait de la fédération Sports pour tous. Ou mieux que tout cela, démarrer à la base en agissant auprès des enseignants des établissements scolaires les plus proches pour lancer des équipes des catégories jeunes devant constituer la base future d'un club civil. C'est à notre sens le chemin le plus adéquat que devrait entreprendre un dirigeant qui se veut éducateur. Pour une fois la FTF a raison. Elle doit appliquer ces critères de viabilité qui sont bafoués. Même par les clubs professionnels ! Mais c'est là une tout autre histoire.