Suite au dernier article paru sur nos colonnes sur la fuite des cerveaux, La Presse a interviewé M. Oussema Elkhriji qui nous a éclairé sur les dernières évolutions du secteur de l'ingéniorat et de l'informatique en Tunisie. Des secteurs en manque de valorisation à l'échelle nationale La poursuite de la grève des enseignants universitaires depuis janvier 2018 dans les écoles publiques d'ingénieurs fait-elle planer la menace d'une année blanche? Il y a eu quelques jours de grève dans les Instituts préparatoires aux études d'ingénieurs puis les cours ont été repris en vue de se préparer au concours national d'entrée aux cycles de formation d'ingénieurs qui démarre le jeudi 31 mai 2018. Par ailleurs, au niveau des écoles d'ingénieurs, la situation est très alarmante étant donné que la grève administrative des enseignants universitaires se poursuit depuis janvier 2018 et a touché la majorité des écoles d'ingénieurs. A la lumière de cette situation préoccupante, le conseil de l'Ordre des ingénieurs a exprimé son inquiétude vis-à-vis de ce qui se passe et a fait un appel à toutes les parties prenantes notamment le ministère de tutelle en vue d'agir dans l'intérêt des étudiants et œuvrer pour sauver l'année universitaire. Comment se traduit concrètement la mise en garde de l'O.I.T. qui vise à se prémunir contre la détérioration de la situation des ingénieurs ? Quelles sont les actions à entreprendre au sommet de l'Etat pour rectifier le tir en matière de formation et de réputation des écoles d'ingénierie ? Il faut rappeler, à ce sujet, que la commission nationale de réforme de la formation d'ingénieurs « GEFI » avait émis à la fin de ses travaux en septembre 2015 une série de recommandations pour moderniser le système de formation d'ingénieurs au niveau des secteurs public et privé. Parmi les importantes recommandations que l'OIT appuie fortement, nous citons la création du Conseil national des formations d'ingénieurs, une instance dont le rôle est de contrôler, réguler et moderniser le fonctionnement des établissements de formation d'ingénieurs, la création d'une Instance nationale indépendante d'accréditation en vue de conférer une dimension internationale à la formation d'ingénieurs. L'accréditation est un processus de vérification de la conformité des formations à un référentiel et à des standards préétablis au niveau international. Les difficultés que vivent les inventeurs qui sont pour la plupart des ingénieurs sont-elles de nature à décourager la culture de l'innovation en Tunisie? Personne ne peut ignorer l'importance de l'innovation technologique et son impact sur la croissance économique. Dans ce contexte, il faut noter que le gouvernement vient d'approuver le projet de loi relative à la promotion des Start-up (Stat-up-Act) qui permettra de mettre un frein aux obstacles rencontrés par les jeunes qui désirent se lancer dans des projets d'entrepreneuriat. Nous espérons que cette loi constituera dans le futur une véritable révolution dans le pays en permettant de mettre un terme aux freins administratifs et réglementaires ainsi que ceux liés au financement. La fuite des cerveaux parmi les ingénieurs à travers notamment l'exode des informaticiens tunisiens vers d'autres cieux vous inquiète-elle ? Peut-on craindre pour l'avenir des études supérieures dans la filière de l'ingéniorat? Le phénomène de l'exode a touché non seulement les informaticiens mais également toutes les autres spécialités de l'ingéniorat. On estime à plus de 2.500 le nombre d'ingénieurs qui ont déjà quitté la Tunisie. Il faut noter également que sur les 7.500 diplômés par an, 39% ont suivi une spécialité TIC. Ce nombre important de diplômés TIC est en train d'engendrer un déséquilibre remarquable entre l'offre et la demande du marché du travail qui subit de perpétuelles mutations. A la lumière de ce qui se passe dans les pays développés qui ont fait leur révolution numérique, il faudra qu'on se prépare à un plan national de numérisation des municipalités, de l'administration et de l'industrie. Le processus de numérisation aura un impact direct sur l'indice de développement du pays. Il faut signaler à ce propos que, d'après le ministère des Technologies de la Communication et de l'Economie numérique, la contribution du secteur des TIC s'élevait déjà à 13,5% en 2011. Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour encadrer nos jeunes élites et les dissuader de partir faire carrière à l' étranger ? En vue de faire face au gap entre l'offre et la demande, l'Ordre des ingénieurs a créé, depuis deux ans, une académie de certification dont le rôle est d'assurer des sessions de formation et de certification. Ces actions de mise à niveau et de certification constituent de nouveaux acquis complémentaires à la formation initiale permettant d'améliorer les performances des ingénieurs et d'augmenter leurs chances d'emploi au niveau national et international. Nous avons porté un intérêt majeur aux actions de certification au niveau des normes, des standards et des outils de développement en vue d'améliorer les compétences techniques et académiques dans les domaines du numérique, des énergies nouvelles et renouvelables, le management de la qualité, l'entrepreneuriat, etc. Notre principal objectif est de contribuer à la préparation de cadres d'excellence capables de renforcer le développement économique du pays notamment dans les secteurs à forte valeur ajoutée. Par ailleurs, il faut mentionner qu'il est grand temps de mettre une stratégie de réforme des Pôles technologiques qui pourraient abriter les jeunes talentueux et les faire participer dans des projets de recherche à grande valeur ajoutée notamment dans les domaines des TIC et des énergies nouvelles et renouvelables.