Lors de la discussion hier du rapport périodique de la Tunisie sur les droits de l'Homme, les représentants de 47 Etats membres du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies ont formulé un ensemble de recommandations. Le ministre chargé des relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l'Homme, Mehdi Ben Gharbia, a d'ores et déjà indiqué que l'Etat tunisien «réagira positivement à l'ensemble des recommandations». La Tunisie a présenté hier officiellement à Genève son rapport autour de l'évolution de la législation en matière de droits humains, un rapport qui sera soumis à un examen profond des 47 pays qui siègent au Conseil de droits de l'Homme et aboutira, comme en 2012, à une série de recommandations pour l'Etat tunisien le 5 mai. Le ministre des Relations avec les instances constitutionnelles, la Société civile et les droits de l'Homme, Mehdi Ben Gharbia, a d'ores et déjà indiqué que l'Etat tunisien «réagira positivement à l'ensemble des recommandations». Il a expliqué notamment que l'objectif de la Tunisie est d'adapter l'arsenal juridique aux dispositions de la jeune Constitution (promulguée en janvier 2014). Une opération qui prend tout naturellement un certain temps. Plusieurs lois sont, appuie-t-il, en cours de révision en vue de les adapter à la Constitution. La délégation Tunisienne, qui, au grand étonnement des militants des droits de l'Homme, n'incluait aucun membre de l'Assemblée des représentants du peuple (le législateur), a mis l'accent sur plusieurs projets de loi votés ou encore en l'état de projet, à l'instar de la loi sur la protection des lanceurs d'alertes, le projet de loi sur l'éradication des violences à l'égard des femmes ou encore le projet de loi de lutte contre toutes les formes de discrimination. Les différents représentants des pays membres du conseil ont cependant porté un certain nombre d'interrogations et de critiques autour du dispositif juridique de la Tunisie. A titre d'exemple, la loi de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent a été critiquée pour sa dose de procédures enfreignant selon eux les droits humains. Evoquée également, l'absence d'une abolition claire de peine capitale a suscité l'incompréhension des observateurs. Bien que la partie tunisienne ait rappelé que la peine de mort n'est pas appliquée, l'argument ne semble pas convaincre. «Lorsqu'on instaure un moratoire sur la peine de mort, très logiquement, on ne devrait pas la retrouver dans les nouveaux textes de loi, explique Wahid Ferchichi, professeur universitaire et président de l'Association tunisienne des libertés individuelles. Or dans la nouvelle loi de lutte contre le terrorisme, la peine capitale est prévu dans une vingtaine de cas». Les réserves du Conseil des droits de l'Homme ont aussi porté sur l'intégrité physique des personnes et notamment la torture et les tests anaux pratiqués sur les personnes «suspectées» d'homosexualité. A cet égard, le président d'honneur de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, Mokhtar Trifi, rappelle que la torture reste en Tunisie quotidienne, mais qu'à ce jour, seule une condamnation a été prononcée sur les centaines de cas recensées. Selon lui, l'Etat continue de favoriser une culture d'impunité. «Le problème c'est le gap qui existe entre les lois et l'application de ces lois, on ne forme pas assez par exemple nos services de police sur la nécessité légale de respecter l'intégrité physique des personnes», explique la députée, membre de la Commission des droits de l'Homme, Imène Ben Mohamed. Les critiques ont également touché l'article 230 du code pénal, qui touche directement à l'intimité des personnes pour réprimer leurs choix sexuels. Outre ces problématiques, les Etats membres du Conseil des droits de l'Homme ont soulevé la question des peines alternatives qui éviteraient aux coupables de simples délits de passer par la case prison. Les droits de l'Homme ce sont aussi les droits économiques et sociaux et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Etat tunisien a été invité à mettre en place des politiques d'emploi plus efficaces pour lutter contre un taux de chômage qui devient endémique, surtout chez les jeunes. Mais pour Wahid Ferchichi, le rapport était beaucoup plus descriptif qu'autre chose. Selon lui, ce rapport n'apporte pas de réponses claires sur le plan des stratégies et des choix de la Tunisie. «Prenons l'exemple des droits des femmes longtemps présenté comme un modèle en Tunisie, dit-il. Eh bien la réalité est toute autre, la femme tunisienne ne peut encore pas choisir librement son conjoint, et ne peut en aucun cas refuser un rapport sexuel avec son mari». Rappelons que l'EPU est un mécanisme mis en place par le Conseil des droits de l'Homme, qui examine la situation des droits humains, tous les cinq ans, dans chacun des 193 Etats membres de l'Organisation des Nations unies. L'examen de 2017 rentre dans le cadre de la 27e session de l'Examen périodique universel. Il faudra attendre le 5 mai pour connaître les recommandations formulées pour la Tunisie. La fiche S17 Son nom ne vous dit peut-être rien mais chacun d'entre nous peut être concerné. Cette fiche élaborée par les services du ministère de l'Intérieur et critiquée par les militants des droits de l'Homme, est une procédure qui rentre dans le cadre de l'état d'urgence, qui consiste à limiter la circulation et les droits de certaines personnes. Selon Mokhtar Trifi, cette procédure peut légalement exister, sauf que le problème, réside dans le fait que les individus concernés n'en sont pas informés. «C'est-à-dire que la personne ne l'apprend que si elle est arrêtée lors d'un contrôle de routine, précise-t-il. Et parfois, le contrôle dérape et ces personnes se retrouvent sujettes à des violences physiques et parfois à la torture».