Bientôt trois mois après la conférence internationale sur l'investissement, on en est toujours à la case départ. La case sclérose et inanition. Tout au plus se contente-t-on de rappels épisodiques du pactole promis. L'urgence serait aujourd'hui de mettre en branle les projets identifiés. La survie du gouvernement dit d'union nationale dépend largement de l'économie Rebelote. Le diagnostic est on ne peut plus clair et amer. L'économie tunisienne peine à assurer sa relance. Les créations d'emplois stagnent et le chômage massif persiste. Les investissements et les exportations sont en net recul. La balance commerciale est toujours largement déficitaire et les finances tarissent. Le ministère des Finances et le gouverneur de la Banque centrale ont repris la semaine dernière leur bâton de pèlerin dans un roadshow, en quête de soutien financier étranger, à Paris, Londres et Berlin, pour assurer les garanties d'un prêt européen d'un milliard d'euros. Et un autre prêt analogue est envisagé à très brève échéance. Au moment même où Fitch Ratings, agence de notation souveraine, a abaissé il y a dix jours, d'un point, la notation tunisienne de "BB-" à "B+", avec perspectives négatives, suite à la baisse de l'activité du secteur touristique et du ralentissement de l'investissement. Bref, notre économie semble extravertie, fragile, dépendante. Et les explosions sociales, les coups de grisou et de colère enflent. On fait du surplace dans une espèce de cercle vicieux de fragilité économique extrême, de dépendance étrangère accrue et d'explosions sociales endémiques. Entre-temps, que fait le gouvernement ? Il gère tout simplement le quotidien au petit bonheur la chance. Certains ministres en sont réduits à camper les pompiers de service. Suffit-il qu'il y ait quelque levée de boucliers pour qu'on les mande illico presto en vue de tempérer les ardeurs et grossir la liste des promesses de sortie de crise. Le diagnostic est accablant, par-delà des statistiques qu'on s'ingénie à faire dire la chose et son contraire. Et pourtant, il y a deux mois et demi se tenaient dans nos murs les assises de la conférence internationale sur l'économie et les investissements dite Tunisie 2020. Que de déclarations d'investissements nommément identifiés et d'intentions d'investissements annoncées alors. Encore une fois, des projets fermes et des promesses généreuses, pour une enveloppe globale de 35 milliards de dinars. Mais disons-le d'emblée, sans détours. L'intendance ne suit pas. On en est toujours à la case départ. La case sclérose et inanition. Tout au plus se contente-a-t-on de rappels épisodiques du pactole promis. L'urgence serait aujourd'hui de mettre en branle les projets identifiés. C'est d'autant plus salvateur que les investisseurs privés y sont associés, notamment à travers les dynamistes du PPP, le partenariat public-privé. Les études de faisabilité, d'impact et d'opportunité ont déjà été exécutées pour nombre de projets. Il s'agit tout simplement d'enclencher la mécanique. Des atouts de relance Les intentions d'investissements gagneraient, elles aussi, à être concrétisées. Nos partenaires européens et nord-atlantiques sont en crise, certes. Ce qui n'est guère étranger à nos préoccupations. Lors d'une récente visite dans nos murs, Mme Christine Lagarde, directrice-générale du Fonds monétaire international (FMI), avait bien dit que toute récession en Europe de un pour cent équivaut ipso-facto à un recul de 0,6% de notre taux de croissance. Ce qui en dit long sur les méandres de la dépendance et de l'extraversion économique. N'empêche. A l'instar de tous les pays ayant subi des révolutions, des crises sociales et des chamboulements d'envergure, notre pays a des atouts de relance non point cahin-caha, mais bel et bien corsée, sinon vertigineuse. L'Angola, l'Ethiopie et la Côte d'Ivoire en témoignent amplement. Il suffit d'y croire. Et de se doter des moyens de sa politique. Autre écueil et non des moindres, l'instabilité politique chronique due au système politique parlementaire hybride qui nous soumet à la partitocratie. Il ne faut pas oublier que l'agence Fitch Ratings a expliqué la dégradation de la notation de la Tunisie par «la chute du tourisme dans un contexte de risques de sécurité élevés, le ralentissement de l'investissement en la présence des fréquents changements de gouvernement et des épisodes de grèves ayant affaibli la croissance et les perspectives économiques». On comprend dès lors l'ampleur du désastre. L'agence internationale escompte un taux de croissance du PIB tunisien de 2,3% en 2017 et de 2,5% en 2018. Elle est catégorique : «Le pays aura besoin, en 2017, d'emprunter sur les marchés étrangers l'équivalent de 7% de son PIB pour faire face à ses échéances et aux besoins de son budget». M. Youssef Chahed, chef du gouvernement, est prévenu. La survie du gouvernement dit d'union nationale dépend largement de l'économie. Les soubresauts à cet égard sont imprévisibles et pervers. La mécanique de la dégénérescence gouvernementale peut se mettre en place très rapidement. Tout comme le sauvetage. Mais ce dernier suppose l'audace et l'innovation. Et refuse l'hésitation. Parce que toute hésitation en la matière signifie la rédaction mortifère de l'acte de dissolution du gouvernement. Un chef de gouvernement prévenu en vaut deux. Encore faut-il qu'il ait des yeux pour voir, par-delà les prismes déformants de l'attentisme et du triomphalisme.