Par Abdelhamid GMATI La ministre du Tourisme tablait, il y a quelques semaines, sur l'accueil de 5,5 millions de visiteurs étrangers en 2016. La Tunisie table sur les arrivées massives des vacanciers russes et algériens pour sauver la haute saison touristique, surtout après la désaffection des visiteurs européens. De fait, on annonce l'arrivée en masse de touristes russes et algériens dans plusieurs régions du pays. Le délégué régional au tourisme à Mahdia annonçait, mardi dernier, que « le taux de remplissage des hôtels à Mahdia a dépassé depuis mi-juillet 2016 les 100% ». Et selon la police des frontières et les services douaniers à Melloula, le nombre des entrées en Tunisie, depuis le 1er janvier 2016 jusqu'au 10 août, a atteint 300.000, soit plus des deux tiers des arrivées enregistrées durant toute l'année 2015. Actuellement, on compte plus de 17.000 Algériens qui traversent chaque jour la frontière. Est-ce à dire que la saison touristique est sauvée ? C'est sans compter sur certains handicaps qui surgissent de façon inconsidérée. L'attention générale a porté ces derniers jours sur la polémique surgie à nos frontières avec l'Algérie. Objet : la taxe de 30 dinars que doit payer tout étranger quittant le territoire tunisien. Les autorités algériennes ont fermé, dimanche matin, le point de passage frontalier de Sakiet Sidi Youssef (gouvernorat du Kef) à la circulation des véhicules, après que des citoyens et notamment des professionnels algériens eurent manifesté pour bloquer la frontière. Cette frontière n'a été fermée que quelques heures, ce, pour protester contre la poursuite de l'application de cette taxe de 30 dinars aux Algériens motorisés. C'est la quatrième fois en l'espace de deux semaines que le poste frontalier algéro-tunisien de Betita, situé à 150 kilomètres au sud du chef-lieu de la wilaya de Tébessa, est fermé. L'ambassadeur algérien en Tunisie a indiqué lors d'une déclaration accordée au journal algérien Al Khabar qu'il a contacté le ministre tunisien des Affaires étrangères à trois reprises et demandé une rencontre avec le président Béji Caïd Essebsi. Actuellement, des pourparlers sont en cours pour trouver une solution, les algériens voulant la levée de cette taxe. Il se trouve qu'outre les vacanciers, et ceux qui ont de la famille en Tunisie, des centaines de professionnels algériens et tunisiens franchissent la frontière dans les deux sens pour leurs affaires. Un Algérien protestataire déclare qu'il doit suivre un traitement dans un établissement hospitalier tunisien trois fois par semaine et cela lui revient très cher. Et après l'entrée en vigueur de cette loi, la colère avait gagné de nombreux Tunisiens résidant à l'étranger, de nombreux touristes mais également des Libyens qui souhaitaient quitter le territoire A rappeler que cette taxe de sortie avait été supprimée par l'ARP l'an dernier. Comment a-t-elle été réintroduite ? Radhouane Ben Salah, président de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH), a adressé, le 5 août dernier, une correspondance privée au ministre des Finances, Slim Chaker, pour lui exprimer son étonnement concernant sa décision récente d'augmenter le prix des boissons alcoolisées de 300%. Il y dénonce cette augmentation qui fait passer le prix du litre d'alcool de 2.475 DT à 20.100 DT (+712,12%) et qui impacte le prix des nuitées dans les hôtels. Il a rappelé au ministre que le prix de l'alcool dans les hôtels est le fruit de conventions signées avec les tour-opérateurs pour la formule All Inclusive et que sa décision d'augmentation a un effet négatif sur la saison touristique 2016 déjà assez en difficulté. Il faut préciser que ce sont surtout les hôtels qui vendent l'offre du package All Inclusive, formule qui inclut tous les frais dans le prix de la chambre, y compris et surtout le prix des boissons alcoolisées, qui s'inquiètent. « Ces hôtels, comme par exemple ceux qui accueillent les touristes russes, réputés grands consommateurs de ces boissons alcoolisées made in Tunisia, ont déjà vendu leurs produits sur la base de l'ancien prix des boissons alcoolisées. Et les hôteliers de s'indigner que «cette augmentation du coût de la nuitée ne peut être supportée par l'hôtellerie, surtout dans les circonstances actuelles». De plus, cette augmentation va faire les beaux jours de la contrebande qui prospère, déjà, grâce aux carburants dont les prix sont prohibitifs en Tunisie. Mais il n'y a pas que cela comme handicaps. L'ambassadeur d'Allemagne en Tunisie, Andreas Reinicke, déclarait, le 8 août denier, en marge de la semaine de coopération tuniso-allemande, à Tataouine, que les touristes allemands ne veulent pas avoir seulement un bon hôtel en bord de mer et sous le soleil, mais ils souhaitent surtout un bon service, des activités culturelles et touristiques variées. «Il faut diversifier les activités touristiques et innover. La Tunisie doit savoir faire face à la concurrence internationale. Mais l'avantage de la situation de crise actuelle, c'est qu'elle permet aux Tunisiens de réfléchir sérieusement sur l'état du tourisme et de prendre des décisions pour améliorer les conditions d'accueil». Et il ajoute : «Nos touristes ont aussi dénoncé l'amoncellement des ordures dans les rues de Djerba et indiqué qu'ils ne souhaitent pas revenir avant le retour de la propreté ». Pour commencer, il faudrait éviter qu'un ministre prenne des décisions inconsidérées et tire dans le pied d'un autre ministre qui se démène pour sauver un secteur vital, sinistré. A.G.