146 mille agents sont venus grossir les rangs des fonctionnaires durant les cinq dernières années. Aujourd'hui, 86% de ces mêmes agents veulent que l'horaire administratif soit plus assoupli Les amoureux des statistiques assurent que le citoyen arabe consacre trois minutes par an à la lecture et que le fonctionnaire tunisien consacre huit minutes par jour à la mission en contrepartie de laquelle il perçoit un salaire mensuel, une prime de rendement trimestrielle, un treizième mois et une prime annuelle spécifique variant selon le secteur où il exerce et pouvant atteindre parfois l'équivalent de deux salaires mensuels. Avec l'avènement de la révolution, les langues se sont déliées et l'aura dont bénéficiait le fonctionnaire de l'Etat s'est évaporée et aujourd'hui, tout le monde veut savoir pourquoi ces serviteurs de la communauté nationale sont grassement payés, alors que plusieurs parmi eux boudent les administrations où ils sont censés travailler, utilisent tous les stratagèmes imaginables pour que leurs bureaux ou guichets restent vides. En parallèle, les responsables chargés du contrôle de la présence et du suivi de leurs collaborateurs crient leur impuissance de pouvoir imposer la loi en vigueur sanctionnant l'absentéisme galopant et reconnaissent que dans l'administration publique, ce sont désormais les agents qui gouvernent, soutenus et gonflés par des syndicats dont l'objectif majeur est de faire augmenter les salaires et les primes. Quant aux prestations rendues aux citoyens à la production et au rendement des agents de l'administration, ils peuvent attendre. Au ministère de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, on se mobilise en vue de jeter les bases d'une réforme globale dont l'objectif majeur est de lutter contre toutes les formes de corruption qui gangrènent l'administration publique, d'une part, et de consacrer, d'autre part, «les principes de la Constitution qui insistent sur la transparence, l'intégrité et la rémunération des travailleurs sur la base du mérite et du travail accompli». Et pour pouvoir appliquer ces valeurs, il faut commencer par enquêter afin de découvrir pourquoi les agents de l'administration agissent ainsi, c'est-à-dire pourquoi ils ont réussi à se diaboliser aux yeux de l'opinion publique. Après le temps scolaire, s'impose le temps administratif Une enquête a été menée auprès de 50 structures administratives. Les résultats sont significatifs : 58% des absentéistes accusent les moyens de transport, 41% reconnaissent qu'ils n'ont suivi aucun cycle de formation ou de recyclage depuis leur intégration dans l'administration et 86% veulent que l'horaire administratif devienne plus souple, ce qui constitue un appel à ce que la séance unique soit appliquée tout au long de l'année en écho à ce qu'on appelle dans le monde de l'enseignement le temps scolaire. En d'autres termes, on veut que les administrations publiques ferment quotidiennement à 13h00 ou à 14h00 et que les fonctionnaires accompagnent leurs enfants dans leurs activités sportives ou culturelles puisque les écoles et les lycées vont eux aussi libérer les enfants à partir de midi. Et les enquêteurs de découvrir que 46% des agents publics (soit près de la moitié) abandonnent leur poste, alors qu'ils sont 76% à signer la feuille de présence, ce qui laisse entendre que 24% de ces mêmes agents ne «fréquentent pas leurs administrations». Un diagnostic effarant Mais pourquoi toutes ces absences ou ces présences-fantômes? A l'instar de toutes les enquêtes qui se disent scientifiques, l'enquête publiée par le ministère de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption s'emploie à établir un diagnostic aussi neutre que possible de la situation du secteur administratif et livre des chiffres qui font froid dans le dos. Aussi apprend-on que les agents de la Fonction publique étaient en 2010 au nombre de 484.000. En 2015, ils sont passés au nombre de 630.000, soit une augmentation de 146.000 agents l'espace de cinq ans. La masse salariale s'élève à 13.000 millions de dinars, ce qui a poussé la présidente du FMI, Christine Lagarde, à déclarer que la Tunisie dispose du plus grand nombre de fonctionnaires publics dans le monde (en comparaison du nombre de ses habitants). Encore un record mondial que la Tunisie arrache aux autres pays du monde. Comme celui du plus grand nombre d'accidents de la circulation.