Lundi soir, le Festival international de Hammamet célébrait la musique instrumentale et le chant lyrique à travers de nouvelles compositions très tunisiennes Il conviendrait de dire d'abord que l'initiative de la direction du festival de Hammamet est assez courageuse pour programmer ce genre de spectacle. Mais il faut bien le faire car il fallait bien rapprocher cette forme de spectacle du public et, en faisant ainsi, le festival ne déroge pas par ailleurs à sa vocation que certains qualifieraient à tort d'ailleurs d'élitiste. Le spectacle en question était composé de deux parties, la première est un concert de chant lyrique «Bakat» (elle a pleuré), composé de huit œuvres musicales écrites dans un langage polyphonique par Wannès Khligene pour un quartet de soprano baryton, piano et contrebasse. Avec Mehdi Trabelsi au piano, Chawki Khfaia à la contrebasse, nous avons assisté à un début de soirée très plaisant sur des textes de poètes arabes dont Erroumi et Khalil Djibrane, interprétés par les sopranos Henda Ben Chaabène et Haytem Hdhiri. Des chants traitant de l'amour et de la beauté avec beaucoup de justesse. Un spectacle qui, selon Wannnès Khligene, nécessite un an et demi de travail. «C'est une initiative louable de programmer ce genre de spectacle pour le public, dit-il, il faut cesser de croire que les Tunisiens ne sont pas mélomanes. Ce soir, j'ai admiré le public qui était très concentré sur les chants alors qu'il n'est pas habitué à ce genre de spectacle. Je pense que le moment est venu de relever le niveau des spectacles en Tunisie mais les programmateurs sont vraiment frileux; ils ne s'aventurent pas dans ce genre d'initiative. Le public était là même si ce n'est pas comble, ce sont des gens qui ont accroché au spectacle Wannès Khligene qui, avec Mohamed Garfi, était parmi les premiers élèves de l'école polyphonique de Tunis, et est resté fidèle, dans cette nouvelle composition à l'âme de cette école peu connue par le public tunisien. Beaucoup plus animée est la deuxième partie de la soirée avec «sur L'aile de la corde» d'Anis Klibi. Un concert de musique instrumentale dirigé par le,chef d'orchestre, soliste et violoniste Anis Klibi et son orchestre «Maqamet». On a apprécié cette nouvelle recherche musicale où la musique tunisienne devient jazzy sans trop perdre de son originalité. Ce fil conducteur est maintenu tout au long du spectacle par le violon d'Anis Klibi. Celui-ci a pris un risque avec cette nouvelle composition musicale qui a, par ailleurs, obtenu un prix aux Journées musicales de Carthage. Un risque parce qu'il y a toujours le piège de trop s'adonner à un bord ou à un autre au risque d'ennuyer le public en se diluant trop dans le jazz. Mais le spectacle n'est pas du tout lassant car il y a eu justement le juste dosage entre les deux mondes. «Oui, j'ai pris le risque, dit Anis Klibi, et pour un artiste il faut bien le faire si on veut innover, je ne veux pas faire dans la musique déjà entendue... Cela m'a pris des années de travail mais je suis content du résultat quand je vois la réaction dans les yeux du public». Avec ce spectacle, le festival de Hammamet a donné une chance à une nouvelle génération de compositeurs comme Anis Klibi dont la musique a été appréciée par le public et qui introduit un nouveau genre d'écriture dans le paysage.