Par Amel Zaïbi L'ancien président français Nicolas Sarkozy aura attendu d'être en Tunisie, quatre mois après l'attentat du Bardo, le premier à avoir ciblé des touristes européens faisant 22 morts dont quatre Français, pour parler de l'Algérie. Et de quelle manière ! On le connaît grand orateur, mais cette fois ses propos inattendus, sur le site même du carnage du 18 mars dernier, au sujet du grand pays frère et voisin ont étonné plus d'un observateur en Tunisie. Ils ont même choqué. Pour cause : la raison, au départ inconnue d'une grande partie des Tunisiens, de sa visite devait se résumer, comme il l'a déclaré par la suite, à son soutien et celui du parti Les Républicains, dont il est le chef, au «seul printemps arabe à avoir réussi ». Mais Sarkozy a choqué et gêné les Tunisiens autant que les Algériens. Il a parlé comme s'il était en terre conquise, de l'Algérie en l'absence de représentants algériens. De plus, il s'est cru obligé de s'interroger sur l'avenir de l'Algérie, alors qu'il était là pour exprimer sa solidarité à la Tunisie qui fait face à une grave crise économique tout en étant embarquée dans une longue guerre contre le terrorisme. Avec tout le respect que l'on doit à un ancien chef d'Etat, Sarkozy est-il capable de bévues? Ou a-t-il choisi ses mots, le lieu et l'occasion pour adresser des messages codés et prémédités? Dans tous les cas de figure, bévues ou pas, Sarkozy a mal choisi son terrain de jeu et s'est trompé d'époque. Car Tunisiens et Algériens, frères et voisins, luttent ensemble côte à côte contre Daech et Al Qaïda, la nébuleuse terroriste préfabriquée pour mettre à feu et à sang le monde arabo-musulman. La sécurité de la Tunisie dépend de celle de l'Algérie et vive-versa. Pour Sarkozy la Tunisie est le rempart de l'Europe contre le terrorisme. L'Algérie aussi. Selon le chef du parti de droite français, qui un jour a traité les jeunes franco-maghrébins de «racaille», la Tunisie a la malchance d'être d'un côté la voisine de la Libye, dont il était l'instigateur de sa destruction, et de l'autre, de l'Algérie dont la situation, estime-t-il, doit être «examinée» au sein de l'Union Pour la Méditerranée, cette organisation régionale instituée en 2008 et qui devait être présidée par l'Egypte, en l'occurrence par son ex-président Hosni Moubarak. Les réactions hostiles à la visite de Nicolas sarkozy en Tunisie étaient apparemment prémonitoires. Hamma Hammami, le porte-parole officiel du Front populaire, l'a franchement déclaré hier : «La visite de l'ancien président français en Tunisie vise à créer des problèmes avec l'Algérie ». Les Tunisiens ne se laisseront pas faire et les déclarations officielles le prouvent. Mohsen Marzouk en l'occurrence, secrétaire général de Nida Tounès, le parti qui aurait invité Sarkozy, a déclaré que les propos de Sarkozy n'engagent que lui. Certainement. Car le commun des Tunisiens lui dit : «Touche pas à mon frère».