Le passage du chef du gouvernement hier sur La Wataniya est passé inaperçu. Habib Essid a choisi 13h pour faire une « grande annonce » à l'adresse de l'opinion publique. Mais cette grande annonce n'a pas fait mouche. Aucune de ses déclarations n'a ému outre mesure ni n'a suscité la moindre réaction. Oui, car rien de ce que le chef du gouvernement a dit ne relève de l'annonce. On savait déjà que son départ était imminent et le fait de recourir à l'ARP pour passer à la deuxième étape de l'initiative présidentielle (son propre départ) n'y changera rien. Ceux qui lui ont demandé de démissionner sont ceux-là même qui voteront contre lui au Parlement. Mais quelle mouche a piqué ses conseillers de choisir un tel horaire ? 13h, en période de séance unique, c'est l'heure où les fonctionnaires quittent leurs bureaux, pressés de rentrer chez eux et d'en finir avec la circulation et la canicule. Peu d'entre eux, ou presque, s'intéressent à ce que Habib Essid aura à dire. En effet, le chef du gouvernement a fini par lasser. Son départ imminent qu'on annonce mais qui ne vient toujours pas est devenu un ennuyeux feuilleton semblable à plein d‘autres drames politiques tragi-comiques, dont les guerres au sein de Nidaa ou encore les querelles UGTT-ministère de l'Education. Le non-événement qu'était l'apparition télévisée du chef du gouvernement est dû à son bilan désastreux, mais aussi, et en grande partie, aux nombreux cafouillages communicationnels l'ayant entouré depuis sa prise de fonction. La grande majorité des observateurs, des acteurs de la classe politique et même des ministres au sein de son gouvernement sont unanimes : le bilan de Habib Essid est loin d'être reluisant. Il est même catastrophique si on veut appeler les choses par leur nom. Pourquoi s'obstine-t-il à rester alors ? Tout simplement car ceux qui le conseillent souhaitent gagner du temps.
Gagner du temps, voilà ce que son équipe de communication a fait ces dernières semaines. En usant de rafistolage et de techniques « bouche-trou », efficaces uniquement à court terme (quoique !) l'équipe de communication de Habib Essid a souhaité gagner du temps afin de le maintenir là où il est encore aujourd'hui. On se rappellera tous de l'énorme bourde faite par l'équipe de Habib Essid lorsque ce dernier a été hospitalisé. On dément ouvertement les médias (dont Business News) qui ont annoncé cette hospitalisation et on s'acharne contre eux en affirmant que le chef du gouvernement est, à l'heure même, en train de rejoindre un conseil ministériel à la Kasbah. Tout ça pourquoi ? Pour faire un honteux rétropédalage, seulement quelques heures plus tard et publier un communiqué officiel pour se désavouer en beauté. Pourquoi ? Uniquement pour gagner du temps. Mais si la communication de la Kasbah est en effet un grand capharnaüm, c'est tout simplement parce qu'elle est portée par des personnes qui ne savent pas ce qu'ils font et dont certains n'ont rien à voir, de près ou de loin, avec la communication politique. Il n'est, en effet, pas sorcier de s'en tenir à une version, d'éviter de désavouer publiquement l'un des siens et de publier des photos « potables » sur la page de la présidence du gouvernement. Et pourtant, le service com' de Habib Essid a réussi à réunir toutes ces bourdes en l'espace de quelques mois.
Si chacun sait que la communication n'est certainement pas le fort de la Kasbah, ni de certains autres ministères d'ailleurs, cette compilation de bourdes qui se suivent mais ne se ressemblent pas toujours, pose d'autres questions bien plus préoccupantes. Par qui est entouré Habib Essid et qui le conseille depuis qu'il a investi la Kasbah ? Dire qu'il est entouré d'incapables, c'est aller vite en besogne, mais on serait tenté de le penser en effet. Certains ne seraient pas seulement incapables, malheureusement.
Selon Chawki Tabib, président de la Haute instance de lutte contre la corruption, deux conseillers au sein de la présidence du gouvernement sont concernés par des dossiers de corruption. On évitera de mentionner leurs noms, même si pour certains, ils sont de notoriété publique. De toute évidence, leurs dossiers sont actuellement entre les mains de la justice, seule apte à en juger.
En revanche, ce qu'on ne taira pas, c'est que si Habib Essid est encore à la Kasbah, aujourd'hui, ce n'est pas uniquement pour ses accomplissements impressionnants. D'aucuns savent que ceci est archifaux. Plusieurs de ses conseillers ont des intérêts personnels à ce que Habib Essid reste là où il est aujourd'hui et ils continuent à le dissuader de présenter sa démission. Recourir à l'ARP fera gagner donc, à tous, un temps précieux.
A l'heure où on prononce des discours pompeux contre la corruption, il se trouve que ceux qui dénoncent sont ceux-là même qui y sont plongés. Il ne suffira pas à Habib Essid de partir, car celui qui le remplacera reproduira sans doute le même schéma et pourra être entouré par les mêmes têtes (ou par d'autres) qui font et feront que la Kasbah est ce qu'elle est aujourd'hui….