Les discours et entrevues du président de la République, Béji Caïd Essebsi, sont souvent très suivis par ses admirateurs ainsi que ses détracteurs. Tant le franc parler du président est apprécié par ses fans inconditionnels, tant ses propos sont de plus en plus critiqués par ses adversaires politiques et aussi une certaine frange de la population. Les déclarations de Béji Caïd Essebsi, lors de sa récente visite à Bahreïn, concernant la situation actuelle de la Tunisie et ses accusations, à peine voilées, à l'encontre de l'opposition, ont suscité, comme il devient coutume, un tollé de réactions qui ont fait vite de déferler sur les réseaux sociaux et les plateaux télé.
Dans une interview accordée à Alarabiya Net, le chef de l'Etat a exprimé un soutien sans faille à l'Arabie Saoudite : « L'Arabie Saoudite est visée et nous n'avons d'autre choix que d'être à ses côtés et la soutenir », a-t-il déclaré. Des propos qui n'ont pas plu à tout le monde, considérant cette prise de position au profit du royaume wahhabite comme inappropriée. Ce que l'on reproche au président c'est de s'être écarté des traditions diplomatiques de la Tunisie, connue pour sa neutralité positive. Les détracteurs pensent qu'il s'agit là d'un positionnement clair contre l'Iran, et que de par les déclarations du chef de l'Etat, la Tunisie a choisi son clan dans la guerre d'hégémonie que se mènent les camps sunnite et chiite.
Revenant sur l'évolution de la situation en Tunisie, cinq ans après la révolution, et les vives manifestations sociales qui ont secoué certaines régions du pays ces derniers temps, Béji Caïd Essebsi a précisé que le gouvernement actuel a hérité une situation des plus difficiles et que le gouvernement de la Troïka, présidé par les « Islamistes » n'a pas été efficace dans la gestion des affaires du pays. BCE accuse ainsi les alliés de Nidaa Tounes au pouvoir, en l'occurrence Ennahdha, d'avoir été la cause de la détérioration de la situation économique et sociale : « Les leaders de l'Islam politique ont été indulgents avec les terroristes et les groupes extrémistes » a-t-il expliqué. Et d'ajouter que l'intégration des islamistes dans la sphère politique est, à son avis, une occasion pour eux de prouver leur foi en la démocratie.
Des propos qui lui ont valu moult critiques puisqu'il s'est attaqué au parti censé être l'allié politique de Nidaa dont il est l'ancien président et fondateur. A Ennahdha, on évite de réagir. En effet, Ajmi Lourimi, l'un des leaders du mouvement islamiste, s'est abstenu de commenter les propos du président de la République : « Je ne commenterai pas la déclaration du président de la République. C'est le président de tous les Tunisiens. Il est élu et représente la Tunisie. Personnellement, je ne suis pas au fait du contenu de ce qui a été relayé. Mais probablement, ses propos auraient été mal compris, en supposant qu'ils soient vrais»…
Concernant le dernier mouvement social, BCE a affirmé qu'il y avait des manipulateurs qui ont tiré les ficelles afin de transformer les protestations pacifiques et légitimes en grabuge et actes de violence pour propager le chaos. Le président de la République a affirmé que les agents de sécurité ont reconnu tous les manipulateurs ainsi que leur appartenance politique et qu'ils seront traqués et déférés devant la justice. Il a insisté sur le fait qu'il n'accuse personne sans preuves accablantes et documentées. En réponse à la question sur les parties qui auraient mis le feu aux poudres pendant les protestations pacifiques et qui les auraient transformées en affrontements violents, le chef de l'Etat n'a pas hésité à affirmer que des sensibilités d'extrême gauche ont tenté d'instrumentaliser ces évènements et qu'il va livrer plus de détails sur le sujet dans une prochaine allocution qu'il adressera à la population tunisienne. Il a souligné, à ce propos, que l'extrémisme n'est pas spécifique aux partis religieux et que l'extrême gauche est plus à craindre que les partis intégristes.
Ce sont ces propos mêmes qui ont défrayé la chronique et suscité la colère chez des parties de gauche, qui se sont senties visées par les accusations du président. On condamne, également, le fait qu'il se soit attaqué à l'opposition dans un média étranger, faisant ainsi comme son prédécesseur qui a toujours été critiqué pour cet « étalage de linge sale ». Le Front populaire a condamné les propos du président de la République affirmant que « Ces déclarations sont une incitation contre les forces de gauche » et qu'elles s'inscrivent dans une campagne politique et médiatique qui le vise. Le secrétaire général d'Al Massar, Samir Taïeb, a considéré, pour sa part, que le président de la République, a commis la même erreur que Moncef Marzouki, en étalant les affaires internes du pays dans des médias étrangers.
Le porte parole de la présidence, Moez Sinaoui, a été l'invité de Myriam Belkadhi vendredi dernier sur Elhiwar Ettounsi et a pu donner plus de précisions quant à ces déclarations. Il a précisé que la politique étrangère de la Tunisie répond aux exigences du moment et a pour objectif unique de servir l'intérêt du pays, soulignant que le président profite de ces visites pour créer et concrétiser des opportunités. Moez Sinaoui a affirmé que le président de la République, profite de sa notoriété et de ses liens personnels dans la région, acquis par ses missions en tant qu'ancien ministre des Affaires étrangères, pour concrétiser les opportunités d'aide à la Tunisie. Quant à la position de la Tunisie dans les conflits qui opposent certains pays de la région du Golfe, le porte parole a précisé que la Tunisie tient à maintenir sa position de toujours, à savoir la neutralité, et à rester focalisée sur ses propres intérêts sans s'ingérer dans les affaires qui concernent d'autres pays. M. Sinaoui a précisé, dans un autre contexte qu'il est évident, comme partout ailleurs, qu'il y ait une gauche radicale et une droite radicale et les deux sont aussi farouches l'une que l'autre. « Mais nous, nous sommes au centre. Le président n'a cité aucune partie de nom. Quant à la famille de gauche, elle est bien intégrée dans la vie politique. Elle est représentée à l'Assemblée et est présente au gouvernement », a-t-il ajouté.Commentant les accusations contre Ennahdha, Moez Sinaoui a répondu qu'il s'agit d'un constat partagé également par le parti islamiste, ajoutant que la critique et l'autocritique sont ce qui permet d'avancer.
Les visites effectuées par le chef de l'Etat au Koweït et à Bahreïn ont été fructueuses sur les plans économique et diplomatique. C'est ce qu'affirment les services de la présidence de la République mettant en avant les différents accords conclus avec ces pays. Dans une interview accordée au journal La Presse, Béji Caïd Essebsi a affirmé qu'il a cherché à réparer les erreurs commises par autrui (en l'occurrence son prédécesseur). Sauf que comme son prédécesseur il a évoqué les affaires intérieures du pays dans des médias étrangers, ce qui lui a valu tant de critiques.