Un an et sept jours. Telle a été la durée du chef du gouvernement déchu Ahmed Hachani à la Kasbah. Une période durant laquelle il n'a rien accompli et n'a tenu aucune de ses promesses formulées devant l'assemblée. Jamais dans l'histoire de la Kasbah, un chef du gouvernement (anciennement appelé Premier ministre) n'a été aussi insignifiant qu'Ahmed Hachani, limogé hier mercredi 7 août 2024 après un an et sept jours à la tête du gouvernement. Que retiendront les Tunisiens de ce bref parcours ? Son fayotage à l'extrême, ses fiches Powerpoint rédigées en langue de bois et remplies de contrevérités et ses quatre dernières vidéos d'autopromotion diffusées quelques minutes avant son limogeage. Succédant à Najla Bouden le 1er août 2023, Ahmed Hachani avait une autoroute devant lui pour réussir sa mission. Il était, en effet, très facile de faire mieux que la première cheffe du gouvernement femme de l'Histoire tant celle-ci était médiocre et n'a laissé aucune empreinte derrière elle. Sa véritable première apparition dans les médias et la première fois que les Tunisiens entendent sa voix fut à l'occasion de la rentrée scolaire 2023-2024 lorsque, aux côtés du ministre de l'Education Mohamed Ali Boughdiri (limogé depuis), il prononce de vagues phrases des plus insignifiantes : « Il n'y a pas de pays meilleur que la Tunisie. Depuis que j'étais enfant, je disais qu'il n'y avait pas de pays plus beau que la Tunisie, L'odeur de jasmin qui s'en dégage est unique dans le monde », avait-il indiqué ce 15 septembre 2023. Il répète les mêmes niaiseries le 17 novembre 2023, devant le Parlement à l'occasion des débats budgétaires. Il exprime son amour infini pour la Tunisie et sa soi-disant symbiose avec le président de la République. Entre-temps, le 4 octobre 2023, il est allé en Algérie pour participer à la 22e commission mixte tuniso–algérienne. Dans une allocution solennelle, il fait son flagorneur : « La Tunisie a entamé depuis le 25 juillet 2021 un nouveau processus basé sur la réforme… Et J'ajouterai sur la propreté. Mené par Kaïs Saïed ! Azizi Kaïs Saïed (mon cher Kaïs Saïed, ndlr) ». Epique ! La phrase lui colla à la peau et c'est elle qui est apparue le plus sur les réseaux sociaux, hier après son limogeage. Cette flagornerie ne l'a pas quitté durant tout son séjour à la Kasbah. Dans les communiqués officiels de son département, il n'y en a quasiment pas un où le président de la République n'est pas cité.
On peut être flatteur et bosseur, cela est bien concevable. Sauf que ce n'est pas du tout le cas d'Ahmed Hachani. Ses flatteries étaient là pour cacher son incapacité totale à résoudre les problèmes endémiques de la Tunisie et sa paresse. Devant le parlement, il a promis une croissance de 3% en 2024. Elle est de 0,2%, selon les derniers chiffres de l'Institut national de la Statistique. L'inflation est à 7% et a atteint carrément les 35% pour certains produits alimentaires, la balance commerciale est déficitaire de 1,6 milliard de dinars et le chômage est de 16,2%. Tout cela sans parler des multiples pénuries des produits, dont le riz et le sucre. Quant à sa paresse, elle semble flagrante. Ainsi, on voit souvent son cortège rentrer tôt de la Kasbah, quasiment aux mêmes horaires administratifs que les fonctionnaires, y compris en séance unique. Durant tout son séjour à la Kasbah, Ahmed Hachani n'a presque pas eu d'activité en dehors de la capitale, si ce n'est quelques voyages à l'étranger. Contrairement au président de la République, il n'est pratiquement jamais sur terrain pour interroger les Tunisiens sur leur quotidien, ni à Tunis, ni ailleurs. Contrairement au chef de l'Etat, on ne l'a jamais vu en visite inopinée à un ministère ou une quelconque administration.
Pour camoufler ses résultats désastreux, Ahmed Hachani opte pour une communication datant du siècle dernier. Durant un an, il n'a organisé aucune interview, ni de rencontre avec la presse. Contrairement à l'écrasante majorité de ses prédécesseurs, il n'a même pas eu de rencontres informelles avec des journalistes influents. Au lieu de quoi il a opté pour des slides hebdomadaires dans lesquels il inscrit ses activités des plus ordinaires. Un peu comme un écolier qui présente son travail à sa maîtresse ou à ses parents quand on vient le gronder et lui reprocher de n'avoir rien fait. À défaut d'avoir de bons chiffres à présenter et à mettre en valeur, Ahmed Hachani est tombé dans le piège de la comparaison. Ainsi, dans un premier temps, il comparait ses maigres chiffres à ceux de sa prédécesseuse. Exercice très facile quand on connait le piètre rendement de cette dernière. Mais la comparaison s'est arrêtée rapidement dès lors que ses chiffres sont devenus pires que ceux de Mme Bouden. Continuant sur sa lancée, et pour présenter son bilan d'un an, il a mis en ligne, hier, quatre courtes vidéos représentant le bilan du travail gouvernemental. Noyé dans un fauteuil, il n'avait pas de prompteur, il ne regardait pas la caméra et prononçait ses phrases sans aucun entrain. À propos de fauteuil, une parenthèse rigolote s'impose. Le salon du bureau de la présidence du gouvernement prévoit un large fauteuil d'une place pour le chef du gouvernement au milieu de deux canapés trois places pour les invités. En débarquant à la Kasbah, et en violation totale du bon goût et des règles protocolaires, il a changé l'agencement du bureau et a pris le canapé trois places pour s'y asseoir en son bon milieu. Il a fallu que les services de protocole du président de la République viennent changer l'agencement à l'occasion de la visite de Kaïs Saïed à la Kasbah il y a quelques jours. Le protocole de Carthage ne pouvait pas se permettre de ridiculiser le chef de l'Etat en le plaçant dans un canapé trois places.
Absence totale du terrain, chiffres désastreux, communication calamiteuse, il n'y a rien de valorisant à retenir du passage d'Ahmed Hachani à la Kasbah. Il a un seul exploit, celui de faire pire que Najla Bouden qu'on croyait, pourtant, imbattable en la matière. Alors que cette dernière est restée à la Kasbah 22 mois, Ahmed Hachani n'y est resté que douze mois. Avec ces deux mandats, cela fait 34 mois de perdus pour la Tunisie. La faute n'est pas la leur, mais à celle qui les a nommés, Kaïs Saïed en l'occurrence. Depuis son arrivée à Carthage, en octobre 2019, il a nommé cinq chefs du gouvernement dont trois depuis son coup de force en juillet 2021. Le nouveau chef du gouvernement s'appelle Kamel Maddouri et bénéficie d'une bonne presse. Contrairement à Mme Bouden et à M. Hachani, M. Maddouri a de l'expérience puisqu'il était ministre des Affaires sociales et est connu dans les milieux politiques, médiatiques et sociaux. Fera-t-il mieux que ses deux prédécesseurs ? Rien de plus facile !